VEILLE JURIDIQUE STREAMING: JUIN 2015

VEILLE JURIDIQUE STREAMING : JUIN 2015

1.      Lutte contre le piratage des œuvres sur Internet

  Chambre des Représentants : Réflexion relative à une implication croissante des Registrars dans la lutte anti-piratage (USA) La proposition de loi américaine SOPA (Stop Online Piracy Act) de 2011, initiée par les grandes associations interprofessionnelles américaines du cinéma, de la musique, du divertissement et des logiciels (MPAA, RIAA, ESA, SIIA, et dont la mesure-phare était la possibilité de supprimer les noms de domaines illégaux, n’est jamais entrée en vigueur. Cette proposition de loi est toutefois toujours d’actualité puisque le COA (Coalition for Online Accountability), dont le but est d’encourager la mise en œuvre efficace des règles contre la violation en ligne des droits de propriété intellectuelle, a présenté une requête devant la Chambre des Représentants le 13 mai dernier. Celle-ci vise à instaurer un cadre légal permettant : –       la suspension ou le blocage des noms de domaines par les Registrars s’il peut être démontré que les éditeurs des sites Internet en cause ont pris part à une activité illégale ; –       la possibilité restreinte d’anonymiser ses données personnelles lors de la réservation d’un nom de domaine, dans la mesure où les pirates utilisent systématiquement les services d’anonymat pour ne pas être identifiés. En effet, en dépit de la modification du Registrar Accreditation Agreement mettant à la charge des Registrars de nouvelles obligations (enquêter rapidement et répondre aux plaintes, faire des efforts commerciaux raisonnables afin de s’assurer que les titulaires de noms de domaine ne les utilisent pas en violation directe ou indirecte des droits de tiers – lien) et les notifications détaillées et précises des ayants-droits, les Registrars ne coopèrent pas. L’EFF (Electronic Frontier Foundation, ONG qui défend la liberté d’expression sur Internet) n’approuve pas les demandes du COA et a demandé au Comité « Internet » de ne pas accéder à celles-ci, et particulièrement celles imposant à l’ICANN de suspendre les noms de domaines sur le fondement de plaintes pour violation des droits de propriété intellectuelle (lien).   Plan de lutte contre le piratage des œuvres sur internet : mission conjointe confiée à l’IGF et au CNC (France) Le gouvernement a confié le 11 mars dernier une mission conjointe à l’Inspection générale des finances et au CNC  consistant à élaborer, d’ici le mois de juin, une charte visant à empêcher l’usage de moyens de paiement dématérialisés aux sites qui violent le droit d’auteur. Cette initiative devrait permettre d’assécher les modes de financements des sites spécialisés dans la contrefaçon d’œuvres sur internet. En signant une charte des bonnes pratiques dans la publicité en ligne pour le respect du droit d’auteur et des droits voisins le 23 mars dernier, les professionnels de la publicité en ligne s’étaient déjà engagés à ne plus placer d’annonces publicitaires sur les sites ne respectant pas le droit de la propriété littéraire et artistique. Le Gouvernement souhaite donc prolonger cette démarche collaborative en l’étendant aux services de moyens de paiement dématérialisés (lien).   2.      Actions menées à l’encontre de pirates identifiés   Arrestation de deux des responsables d’OMG Torrent (France) Suite à un signalement de l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) et de la SACEM, deux des responsables du site OMG Torrent ont été arrêtés et placés en garde à vue par les gendarmes de la section de recherche de Reims. Les plaignants leur reprochent la mise à disposition de liens permettant de télécharger illégalement des milliers de films, séries, et près de 700 albums de musique. Le site, hébergé en Roumanie génère 3,5 millions de visiteurs par mois, et près de 20.000 euros en moyenne par mois de revenus publicitaires. Le préjudice pour les artistes est évalué à 7 millions d’euros. L’audience se tiendra le 18 novembre 2015 devant le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne (lien).   Affaire eMule Paradise : condamnation à 14 mois avec sursis de l’administrateur du site (France) Après huit ans et demi de procédure, le tribunal de grande instance de Paris a enfin rendu son jugement en délibéré dans l’affaire eMule Paradise, site de téléchargement illégal de films qui fonctionna pendant un an et demi en 2005 et 2006, avant d’être fermé sur intervention policière. Le créateur de eMule Paradise a été condamné à 14 mois de prison avec sursis, sa Porsche Cayenne achetée à l’époque sera saisie, un de ses complices à six mois de prison avec sursis et le patron de la régie Netavenir publicitaire à 8 mois de prison avec sursis ainsi que 50 000 euros d’amende. Les autres complices, bénévoles, ont été dispensés de peine. En outre, ils ont été condamnés à payer 55 000 euros de dommages et intérêts, au lieu des 8 millions d’euros requis par le procureur. Il s’agit de savoir si les parties civiles vont faire appel de cette décision clémente (lien).   Utilisation de bonne foi des notifications DMCA (USA) Des personnes identifiées, suite à une assignation DMCA, comme prestataires de services internet associés à la violation de droits d’auteur de la Warner Bros, Rightscorps et BMG Rights, ont engagé une action de groupe à l’encontre desdits titulaires de droits pour procédure abusive. En effet, selon eux, Warner Bros et consorts : –       les ont harcelé au téléphone, pour mettre un terme à la violation de leurs droits ; –       et ont ainsi commis un abus du droit qui leur avait été octroyé par l’assignation DMCA. Or selon le tribunal : –       Les demandeurs n’ont pas réussi à prouver l’existence d’un abus, –       Warner Bros a simplement mis en œuvre le pouvoir octroyé par l’assignation DMCA leur permettant de faire valoir leurs droits d’auteur en vertu de la loi. Cette décision très favorable aux ayants-droits n’est pas de jurisprudence constante pour autant (lien)   3.      Sites illicites   Faillite d’Aereo, suite et fin (USA) Le plan de liquidation de la société Aereo, qui a fait faillite en novembre dernier (cf notre veille de décembre 2014), a été approuvé par le tribunal de Manhattan : il prévoit que Aereo indemnisera les titulaires de Copyrights, plaignants, d’une somme de 950 000$ (lien).   Cloudflare a obtempéré et « déconnecté » le nouveau site de Grooveshark (USA) Suite à la fin de la procédure entre Grooveshark et le RIAA, un nouveau site de Grooveshark (http://www.grooveshark.li) était mis en ligne. En réponse à cette mise en ligne, le RIAA a obtenu une restraining order enjoignant aux registrars et hébergeurs de proposer leurs services à ce site. Cloudflare a refusé de coopérer au motif que : –       leurs services ne participent pas activement aux activités de la plateforme, –       et que dans tous les cas, le site resterait accessible aux internautes. Le tribunal a invalidé cette défense, estimant que les services de Cloudflare bénéficient au contrefacteur et les aident à enfreindre la décision de justice à leur encontre car: –       Cloudfare connaît les faits reprochés à la plateforme, –       ses services permettent l’accès au site internet par les internautes sans avoir à connaître l’adresse IP de ladite plateforme, –       et améliorent certaines fonctions de la plateforme. Cloudflare a finalement respecté l’ordonnance de non-communication (lien).   Etude : la fermeture d’un site de téléchargement illégal n’a pas de conséquences positives sur l’offre légale de téléchargement (USA). Une nouvelle étude publiée par les chercheurs de l’Université de Carnegie Mellon et Wellesley College montre que les utilisateurs de The Pirate Bay, malgré les nombreuses censures dont il fait l’objet dans le monde, contournent celles-ci en utilisant des VPN, proxies ou en se connectant à d’autres sites illégaux. En revanche, l’étude montre par ailleurs qu’il est plus efficace de bloquer l’accès à plusieurs sites pirates en même temps dans la mesure où cette action affecte plus significativement les habitudes des utilisateurs de tels sites. Enfin, un blocus de ces sites de manière groupée et permanente associé à une offre légale plus attractive pourrait également permettre de changer les habitudes des internautes (lien).   4.      Intermédiaires techniques   Vers un nouveau statut des intermédiaires techniques ? (UE) Le 6 mai dernier, la Commission européenne, jusqu’alors peu encline à ouvrir le chantier de la Directive « e-commerce », qui pose notamment le statut de l’hébergeur, a laissé entendre que des modifications législatives pourraient être apportées. Jusqu’à présent, elle affirmait ne pas vouloir modifier les statuts définis dans la directive. Hors à l’occasion de la présentation de sa feuille de route relative au marché unique numérique, l’institution a annoncé qu’elle examinerait finalement « le rôle des intermédiaires en ligne en ce qui concerne les œuvres protégées par le droit d’auteur », dans le cadre d’une évaluation globale du rôle des plateformes, laquelle visera donc les hébergeurs. « La Commission analysera le besoin de nouvelles mesures pour lutter contre les contenus illicites en ligne, en tenant compte de leur impact sur les droits fondamentaux à la liberté d’expression et d’information, [et s’il faut] imposer aux intermédiaires une plus grande responsabilité et diligence dans la façon dont ils gèrent leurs réseaux et systèmes. » En complément à la révision de la directive sur le droit d’auteur, Bruxelles a par ailleurs indiqué que des modifications pourraient être apportées à la directive sur le commerce électronique afin de mettre un terme au géo-blocking. Des propositions législatives sont cette fois attendues pour le premier semestre 2016 (lien).   Fleur Pellerin approuve les initiatives de la Commission Européenne (France) La Ministre salue les progrès que marque la réflexion de la Commission sur la volonté de clarifier le statut des intermédiaires techniques (cf notre veille d’avril 2015) et d’améliorer le respect du droit d’auteur. Elle relève par ailleurs que la Commission annonce son intention de traiter le problème que pose l’écart de taux de TVA entre le monde physique et le monde numérique pour la presse et le livre et appelle encore une fois à une action rapide. Fleur Pellerin salue également la volonté de moderniser la politique audiovisuelle européenne en appréhendant notamment dans le droit européen applicable l’ensemble des distributeurs de contenus audiovisuels, y compris en ligne, ainsi que la consultation sur le rôle des plateformes mise en place par la Commission. Compte-tenu du rôle de ces acteurs dans l’économie des pays européens comme dans la vie de nos concitoyens, il est essentiel que l’Europe se donne les moyens de leur faire respecter ses choix de civilisation, en matière de diversité culturelle comme de liberté d’expression ou de lutte contre les discours de haine et d’intolérance (lien).   5.       En bref : L’initiative anti-piratage d’Hollywood requiert un réseau VPN en dehors des USA (UE) Si les studios d’Hollywood continuent à déplorer le piratage de ses œuvres, les critiques persistent à dire qu’ils n’ont simplement pas fait suffisamment d’efforts pour que leur contenu soit disponible légalement en ligne : en témoigne le site wheretowatch.com lancé par les studios. Cette base de données en ligne indique aux internautes qui recherchent un de ses contenus en particulier, si celui-ci est légalement disponible en ligne, sur quel site le trouver et à quel prix. Or le site est lui-même géobloqué en dehors des US, ce qui fait justement l’objet des critiques… (lien)