En 2012, Monsieur Marabout, peintre parodiste, choisi de reprendre le personnage de Tintin dans ses toiles, de les exposer au public et de les mettre vente sur internet. La société Moulinsart, titulaire des droits d’auteur sur l’œuvre « Les Aventures de Tintin » aux côtés de laquelle intervenait Madame RODWEELL (légataire universelle de Hergé), l’assignent en justice en 2017 pour contrefaçon, atteinte au droit moral de la légataire et agissement parasitaire. La société réclame l’interdiction de reproduction des personnages, la destruction de toutes les contrefaçons et une indemnisation au titre des agissements parasitaires. Le peintre lui oppose l’exception de parodie.
La reproduction et l’adaptation des personnages de l’œuvre « Les Aventures de Tintin » de manière parodique et humoristique constituent-elles une contrefaçon au titre des droits d’auteurs et un acte de concurrence déloyale ?
Le Tribunal commence par réaffirmer que le personnage de Tintin ainsi que tous les autres personnages issus de son univers sont bel et bien originaux et bénéficient, de ce fait, de la protection par le droit d’auteur.
Le Tribunal se concentre ensuite sur l’article L122-5 du CPI qui prévoit une exception au monopole de l’auteur dans le cas d’une réutilisation de l’œuvre à des fins parodiques. Cependant l’exception de parodie ne peut être reconnue que si elle répond à plusieurs critères dont elle va contrôler la validité, à savoir :
1/ L’identification immédiate de l’œuvre parodiée se distinguant de l’œuvre originale
Dans un premier temps, le Tribunal indique que « la parodie doit permettre l’identification de l’œuvre parodiée » et « se distinguer de l’œuvre originale », ce qu’il ne conteste pas en l’espèce puisqu’il déclare que les « les personnages […]reproduits dans les travaux de Xavier MARABOUT s’identifient sans peine » et « se trouvent dans des situations qui leurs sont habituellement inconnues ».
2/ L’intention humoristique
Pour reconnaître l’intention humoristique de l’œuvre, le Tribunal, s’appuie sur les témoignages du public et sur son ressenti.
En l’espèce, l’effet humoristique est établi en raison de la réinterprétation animée de l’œuvre d’Edward HOPPER et de l’intégration des personnages de Tintin.
3/Le but critique
Le Tribunal relève en l’espèce que la critique est exprimée de diverses façons à travers les interrogations sur la vie du personnage de Tintin et notamment si celui-ci : « est-il sans addiction, peut-il se trouver déprimé, dans une situation véritablement sanglante et plus généralement, quel est
son rapport avec les femmes, les hommes, quelle est son orientation sexuelle ? »
4/ L’absence de risque de confusion par un travestissement de l’œuvre originelle
En l’espèce, le Tribunal considère que les travestissements sont évidents. Les personnages se retrouvent dans des situations « qui leurs sont habituellement inconnues » car l’univers en question évoque l’œuvre du peintre Hopper. Chaque toile est signée et vendue sous forme de tableaux dont le format est distinct de « la vignette de bande dessiné » utilisée par HERGE.
Après vérification de ces critères et la mise en balance entre la liberté d’expression des artistes et les droits d’auteur, le Tribunal a conclu que l’exception de parodie était recevable.
Pour rejeter le moyen fondé par les demandeurs sur le parasitisme, le Tribunal constate que la démarche du peintre n’est pas purement commerciale et « n’entraine qu’une perte financière minime, voire totalement hypothétique » pour les ayant-droits.
Enfin, la société MOULINSART est condamnée à verser des dommages et intérêts à Monsieur Marabout au regard des propos péjoratifs tenus sur le travail de M. Marabout à des galeries d’art et en jetant le discrédit sur les œuvres qu’il commercialisait.
Ce que nous retenons de cet arrêt :
L’exception de parodie, issue de la liberté d’expression, vient compenser le monopole d’exploitation de l’auteur d’une œuvre si les conditions ci-avant présentées sont remplies.
En tout état de cause, l’existence d’une parodie est laissée à l’appréciation des juges du fond et sa reconnaissance peut donc être fluctuante. En effet, malgré la présence de critères à remplir, l’appréciation de l’intention humoristique d’une œuvre et de son but critique reste subjective.
A noter : Ce n’est pas la première fois que la société Moulinsart revendique ses droits d’auteur en justice concernant « les aventures de Tintin ». Il est donc probable que cette dernière fasse appel de la décision du Tribunal comme elle semble avoir l’habitude de le faire.
Voir en ce sens : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 mai 2011, n°09-71.083[1].
Plus récemment, un autre artiste français, Christophe Tixier, alias Peppone, qui a sculpté des bustes inspirés du personnage Tintin, a également été poursuivi pour contrefaçon par la société MOULINSART. La décision du Tribunal judiciaire de Marseille sera rendue dans quelques jours. Affaire à suivre…
[1]https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000024085051?init=true&page=1&query=moulinsart&searchField=ALL&tab_selection=all