Dans un arrêt du 10 avril 2019, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue rappeler que pour apprécier une contrefaçon par imitation, les caractères distinctif et dominant des éléments qui composent des marques en cause, sont deux conditions cumulatives que doivent prendre en compte les juges du fond.
En l’espèce, deux sociétés se disputaient l’usage du nom de la forêt de « Brocéliande » pour leur marque, concernant toutes deux des produits alimentaires notamment en classes 29 (fruits, légumes, charcuterie, conserves, etc…). La société B. se prévalant de sa marque semi-figurative , a fait opposition à la demande de la société P. d’enregistrement à titre de marque, du signe verbal « Brocéliande Authentique ». L’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), dans une décision du 5 octobre 2016, avait rejeté l’opposition considérant qu’il n’y avait pas globalement de risque de confusion sur l’origine de des marques en cause pour le public.
La Cour d’appel de Rennes a confirmé la décision de l’INPI selon le motif que la « marque antérieure présentant une forte dissemblance au point de vue visuel par l’utilisation de la couleur et d’un élément figuratif très caractéristique, la lettre bêta penchée pouvant évoquer un coeur stylisé, alors que la marque BROCELIANDE AUTHENTIQUE est purement nominale, et une forte dissemblance au point de vue phonétique par le rythme et la séquence finale ».
Dans ces conditions la société B. a formé un pourvoi en cassation. Le présent arrêt de cassation est rendu au visa des articles L. 711-4 du code de propriété intellectuelle, relatif à l’interdiction d’adopter comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et de l’article L. 713-3 du même code qui prohibe l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée si cela entraine un risque de confusion dans l’esprit du public.
La Cour de cassation rappelle le principe selon lequel « l’appréciation globale de l’existence d’un risque de confusion entre une marque antérieure et le signe dont l’enregistrement en tant que marque est contesté, doit, en ce qui concerne leur similitude visuelle, auditive ou conceptuelle, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ».
A travers cet arrêt la Cour de
cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir uniquement retenu et donc apprécié
les différences visuelles et phonétiques et d’avoir considéré que la présence
du seul terme verbal BROCELIANDE n’était pas, d’un point de vue conceptuel, de
nature à entraîner une confusion dans l’esprit du consommateur sur l’origine
des produits désignés. Or, la Haute juridiction insiste bien sur la
nécessité de rechercher si, compte tenu du caractère arbitraire et distinctif
du terme Brocéliande, ce dernier ne constituait pas un élément dominant dans
l’impression d’ensemble produite sur le consommateur d’attention moyenne.
En conséquence, l’appréciation du caractère arbitraire et distinctif d’un
terme qui compose une marque est indissociable de l’appréciation
du caractère dominant de ce même terme dans l’impression d’ensemble
produite sur le public.
Ainsi, le caractère dominant d’un terme ne doit donc pas être minimisé dans l’appréciation global du risque de confusion entre deux signes, y compris pour les marques semi-figurative qui comporte des éléments figuratifs ou stylistiques différents, et pour cause c’est souvent l’élément verbal dominant qui retient l’attention du public et non les éléments visuels, lesquels peuvent évoluer au fil des années et en fonction des gammes de produits.
Il convient cependant de retenir que l’appréciation de la similitude entre des signes et du risque de confusion reste assez subjective, une analyse au cas par cas reste nécessaire. De même qu’il est fortement recommandé d’effectuer une analyse pointue des marques et droits antérieurs avant toute demande d’enregistrement d’une marque afin d’éviter de telles contestations ultérieures.