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L’appréciation du risque de confusion en matière d’opposition de marques : la mise en balance du caractère distinctif et des autres facteurs pertinents

Dans une décision du 1er mars 2023[1], le Tribunal de l’Union européenne (TUE) affirme que le caractère faiblement distinctif ne doit pas systématiquement justifier l’absence de risque de confusion entre deux marques en conflit. Cette affaire est née d’une opposition formée en 2018 par le titulaire de la marque verbale du Benelux « ME » à l’encontre […]
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Dans une décision du 1er mars 2023[1], le Tribunal de l’Union européenne (TUE) affirme que le caractère faiblement distinctif ne doit pas systématiquement justifier l’absence de risque de confusion entre deux marques en conflit.

Cette affaire est née d’une opposition formée en 2018 par le titulaire de la marque verbale du Benelux « ME » à l’encontre de la demande de marque internationale figurative désignant l’UE :

La division d’opposition de l’EUIPO a rejeté l’opposition par une décision du 8 mai 2020, « au motif que, même à supposer que les produits en cause soient identiques, il n’existait aucun risque de confusion dans l’esprit du public en raison, notamment, du faible degré de similitude entre les marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel et du caractère distinctif inférieur à la moyenne de la marque antérieure « ME » »[2].

En 2020, le titulaire de la marque antérieure « ME » interjette alors appel de cette décision auprès de la chambre de recours de l’EUIPO qui reconnait, par une décision du 16 novembre 2021, l’existence d’un risque de confusion entre la marque antérieure « ME » et la demande de marque contestée HE&ME considérant que, outre l’identité et la similarité des produits en cause (classe 25) :

  • « le caractère distinctif de la marque antérieure, entièrement reproduite dans la marque demandée, était inférieur à la moyenne, tandis que les éléments supplémentaires « he » et « & » de la marque demandée possédaient un caractère distinctif encore plus faible, voire inexistant » ;
  • « les signes en conflit présentaient globalement un degré moyen de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel » ;

Suite à cette décision, le déposant de la demande de marque contestée HE&ME saisit le Tribunal de l’Union européenne lui demandant d’annuler la décision de la chambre de recours de l’EUIPO au motif que cette dernière aurait commis une erreur d’appréciation globale du risque de confusion. Le déposant reproche plus particulièrement à la chambre de recours de ne pas avoir suffisamment pris en compte le caractère faiblement distinctif de la marque antérieure « ME » pour apprécier le risque de confusion.

Le tribunal de l’UE rejette la demande en nullité de la décision de la chambre de recours de l’EUIPO  en considérant, malgré la reconnaissance du caractère faiblement distinctif de la marque antérieure « ME » par rapport aux produits visés (en classe 25) – faisant « fortement allusion à des articles de mode qui reflétaient la personnalité de celui qui les portait »[3] , que « la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion »[4].

A travers sa décision, le Tribunal de l’UE va rappeler la méthode d’appréciation du risque de confusion que les offices de propriété industrielle doivent appliquer en présence de deux signes en conflit, conformément à l’article 8 §1 b) du règlement 2017/1001[5].

Plus particulièrement, le tribunal va apporter des précisions quant à l’appréciation globale du risque de confusion en présence d’un élément faiblement distinctif.

  A cet égard, le tribunal rappelle que « si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure présentant un caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services ».

Pour confirmer l’appréciation globale du risque de confusion réalisée par la chambre de recours, le tribunal constate en outre:

  • le faible caractère distinctif de l’élément « ME » de la marque antérieure tout comme le faible caractère distinctif des éléments « HE » et « & » de la demande de marque contestée HE&ME.
  • La reprise à l’identique de la marque antérieure « ME » dans la demande contestée de sorte qu’elle « ne sera pas dissimulée dans la marque demandée, ni ne passera à l’arrière-plan, mais sera suffisamment reconnaissable au sein de celle-ci »
  • les similarités des marques en conflit « car elles présentent un degré de similitude moyen sur les plans visuel et phonétique, même s’il convient de constater qu’elles ne sont que faiblement similaires sur le plan conceptuel »
  • des similitudes entre les produits visés par les marques en conflit: «Les produits couverts par les marques en conflit sont en partie identiques et en partie similaires à un degré moyen ».

Compte tenu de ces facteurs pertinents pris en compte globalement dans l’appréciation du risque de confusion, le tribunal de l’UE en conclut donc à un risque de confusion entre les signes HE&ME et « ME », au sens de l’article 8, §1, sous b) du règlement 2017/1001.

CE QU’IL FAUT RETENIR :

  • La prise en compte du caractère distinctif dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion entre deux signes en conflit doit être mise en balance avec les autres facteurs pertinents (similitude visuelle, verbale, conceptuelle et similitudes entre les produits et services, public pertinent) – une telle appréciation devant être réalisée de manière globale;
  • Admettre l’existence d’un risque de confusion au seul motif que la marque antérieure se compose d’un élément faiblement distinctif serait, selon le TUE, contraire à l’article 8 §1 b) du règlement 2017/1001qui prévoit que le risque de confusion s’apprécie globalement en prenant compte de l’identité ou de la similarité entre les signes et 2/ de l’identité ou de la similarité entre les produits et services en cause.

Le tribunal de l’UE s’est d’ailleurs positionné de manière identique dans une décision du 22 mars 2023[6] dans le cadre d’un différend opposant les signes « I love you since forever » et « Love you so much ».

A noter toutefois que des divergences perdurent dans l’appréciation du risque de confusion dans le cadre de litiges opposant des marques dites faiblement distinctives (les chambres de recours de l’EUIPO ayant récemment écarté en tout risque de confusion à raison du caractère faiblement distinctif de la marque antérieure invoquée).

En tout état de cause, le risque de confusion entre deux signes en conflit doit nécessairement s’apprécier au cas par cas.

Le Cabinet Clairmont Novus se tient à votre disposition pour vous apporter l’éclairage nécessaire sur ces différentes questions.


[1] Tribunal de l’UE, 1er mars 2023, T25/22, Canai Technology CO. Ltd / EUIPO

[2] point 8 de la décision

[3] Point 66 de la décision

[4] Point 76 de la décision

[5]Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne (texte codifié) (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

[6] Tribunal de l’UE, 22 mars 2023, T306/22, Fun Factory GmbH / EUIPO

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