Par une décision du 1er juillet 2022, le directeur général de l’INPI vient préciser que le signe « Vendôme » ne peut valablement être enregistré à titre de marque dès lors que le public l’assimilera sans aucun doute à la célèbre place Vendôme, elle-même assimilée aux domaines de la bijouterie-joaillerie et du luxe.
En l’espèce, la commune de Vendôme a cédé partiellement le 14 mai 2021 à la société Louis Vuitton Malletier sa marque française « Vendôme » visant les produits de bijouterie et de joaillerie en classe 14[1].
Après avoir eu connaissance de cette cession partielle, les Sociétés Van Cleef & Arpels et Cartier International AG ont introduit auprès de l’INPI une action en nullité de la marque « Vendôme » cédée à la société Louis Vuitton Malletier considérant que cette référence directe à la place Vendôme dépossède la marque de son caractère distinctif qui renvoie explicitement à l’univers du luxe et de la bijouterie-joaillerie aux yeux du grand public. La société Louis Vuitton Malletier invoque également le dépôt de mauvaise foi dans le cadre de cette action en nullité (la marque a été initialement déposée par la Commune de Vendôme).
Afin d’apprécier le caractère distinctif de la marque Vendôme, l’INPI s’est donc posé la question de savoir si la marque Vendôme permet au public d’identifier clairement la provenance commerciale des produits désignés, à savoir la bijouterie-joaillerie de luxe de la société Louis Vuitton Malletier.
En prononçant la nullité partielle de la marque contestée, le directeur général de l’INPI apporte une réponse en demi-teinte. L’Office français a reconnu le défaut de distinctivité du signe « Vendôme » mais ne retient pas la mauvaise foi de la Commune de Vendôme lors du dépôt.
La mauvaise foi s’appréciant au moment du dépôt de la marque, les Sociétés Van Cleef & Arpels et Cartier International AG n’ont pas su la démontrer. En effet, en déposant la marque Vendôme, la Commun de Vendôme ne visait qu’à préserver les droits de la commune sur son nom au moment du dépôt.
S’agissant de la distinctivité d’une marque, celle-ci est, en droit national[2] et européen[3], une des conditions de validité de son enregistrement ainsi qu’un motif absolu de nullité. Cette distinctivité est présumée exister à la date du dépôt.
En l’espèce, l’INPI apporte des précisions sur cette condition de distinctivité de la marque : « la capacité du signe à permettre au consommateur de distinguer les produits et services désignés de ceux issus d’une provenance commerciale différente ». Il s’agit d’une référence explicite à la traditionnelle fonction essentielle de la marque[4] qui est celle de garantir l’origine commerciale du signe enregistré.[5]
L’Office procède donc au rappel des critères dualistes d’appréciation de ce caractère distinctif. Notamment en précisant qu’un signe est considéré comme distinctif au regard des produits et des services qu’il désigne ainsi qu’au regard de sa compréhension par le public pertinent.
En l’espèce, c’est de la compréhension du signe « Vendôme » par le public pertinent, en l’occurrence les consommateurs raisonnablement attentifs et avisés et moyennement informés, que résulte son absence distinctivité.
En se basant sur un rapport d’étude de l’usage du terme Vendôme, l’Office a d’abord fait le constat que ce terme est plus fréquemment employé pour désigner la place Vendôme connue pour ses boutiques de bijouterie et de joaillerie de luxe qui bénéficie d’une forte notoriété, que pour désigner la Commune de Vendôme, disposant d’une plus faible réputation.
L’Office en déduit donc que le public pertinent assimilera directement la marque Vendôme à cette fameuse place parisienne et ses produits (bijouterie et joaillerie de luxe).
Dès lors, c’est cette assimilation dans l’esprit du public qui conduit l’INPI à caractériser le défaut de distinctivité de la marque Vendôme dès lors qu’elle ne permet pas de garantir l’origine commerciale des produits de la société Louis Vuitton Malletier, sans créer un risque de confusion avec les produits similaires commercialisés par des concurrents de la société Louis Vuitton Malletier dans les domaines du luxe, de la bijouterie et de la joaillerie.
Cette décision s’inscrit donc dans une volonté de concilier une problématique de concurrence évidente avec celle de l’appropriation en droit des marques des noms de communes. En effet, la Loi Hamon du 17 mars 2014 est venue modifier l’article L.712-4 du Code de la propriété intellectuelle[6] en permettant aux collectivités territoriales de s’opposer aux dépôts de marques portant atteinte à leur nom, leur image ou à leur renommée.
La problématique soulevée par les sociétés demanderesses semblait ainsi résider dans la libre utilisation du terme « Vendôme » dans leur activité, terme fréquent/ inévitable : une problématique levée par cette heureuse décision.
[1] Classe 14 : Joaillerie ; bijouterie ; pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; métaux précieux et leurs alliages ; objets d’art en métaux précieux ; coffrets à bijoux ; boîtes en métaux précieux ; boîtiers de montres ; bracelets de montres …
[2] Article L711-2 du CPI (en l’espèce décision rendue sous la version de la loi du 1er juillet 1992)
[3] Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne
[4] Arrêt de la Cour du 31 octobre 1974. – Centrafarm BV et Adriaan de Peijper contre Winthrop BV
[6] Article L712-4 – Code de la propriété intellectuelle – Légifrance (legifrance.gouv.fr)