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La CJUE confirme sa jurisprudence en matière de charge de la preuve dans une action en déchéance de marque !

Le 10 mars 2022, la Cour de Justice de l’Union Européenne a affirmé de nouveau sa position sur la question de la charge de la preuve dans le cadre d’une action en déchéance de marque[1]. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant deux sociétés allemandes : Maxxus Group et Globus Holding. […]
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Le 10 mars 2022, la Cour de Justice de l’Union Européenne a affirmé de nouveau sa position sur la question de la charge de la preuve dans le cadre d’une action en déchéance de marque[1].

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant deux sociétés allemandes : Maxxus Group et Globus Holding. La société Maxxus a saisi les juridictions nationales allemandes afin d’obtenir la déchéance pour non-usage de la marque verbale MAXUS et de la marque semi-figurative :

 enregistrées auprès de l’Office allemand des marques depuis 1995 par la partie adverse, la société Globus Holding.

La société Maxxus fait valoir qu’au cours des cinq dernières années, la société Globbus n’a pas fait un usage sérieux de ses marques, ce que conteste le titulaire de cette dernière.

Le litige intervient sur un terrain cristallisé par une différence d’interprétation quant à la charge de la preuve entre le droit allemand et le droit européen dans le cadre d’une procédure pour déchéance de marque. En effet, en droit allemand il incombe au demandeur à l’action (et non au titulaire de la marque) d’exposer de manière détaillée et concrète les éléments factuels tendant à démontrer l’absence d’usage de la marque.

La question préjudicielle posée par les juridictions allemandes à la CJUE était donc de savoir si un droit procédural national peut faire peser sur le demandeur d’une action en déchéance de marque pour non-usage la charge de la preuve de ce non-usage. La CJUE répond par la négative et confirme sa position déjà affirmée par un arrêt antérieur : l’ arrêt FERRARI du 22 octobre 2020 (C-720/18 et C-721/18, EU:C:2020:854, point 82).

I) La compétence de la CJUE en matière de charge de la preuve : le rejet de toute autonomie procédurale nationale

En premier lieu, la CJUE rappelle qu’il est de jurisprudence constante qu’elle soit compétente pour interpréter les dispositions relatives à la charge de la preuve en matière d’action en déchéance de marque. De plus, elle confirme que l’article 19 de la directive 2015/2436[2] doit être interprété en ce sens que “la charge de la preuve du fait qu’une marque a fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de cette disposition, pèse sur le titulaire de cette marque” en renvoyant à son arrêt rendu antérieurement le 22 octobre 2020.

La CJUE justifie cette compétence par une volonté d’unicité pour tous les états membres et donc une plus grande sécurité pour les titulaires de marque. Elle complète cette justification par une référence au “bon sens” et à “l’impératif élémentaire d’efficacité de la procédure”. En effet, si la question de la charge de la preuve relevait du droit national des Etats membres alors il pourrait résulter pour les titulaires de marque une protection variable en fonction de la loi concernée. D’ailleurs la directive susvisée rappelle dans son considérant 10 l’objectif qualifié “d’essentiel” d’une “même protection” pour tous les Etats membres en matière de marques et d’usage de marques.

Ainsi, la CJUE rejette toute autonomie nationale de procédure en matière de charge de la preuve.

II) La charge de la preuve sur les épaules du défendeur : la France en accord avec la CJUE

Le législateur français s’est déjà placé dans la continuité de la jurisprudence européenne puisque l’article L714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que : “La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens”. Ainsi le droit français et la jurisprudence européenne s’accordent sur le fait que le demandeur à une action en déchéance n’est tenu que d’alléguer les faits sur lesquels il base ses prétentions mais pas de les prouver. La charge de la preuve incombe au titulaire de la marque.

En France, l’action en déchéance peut dorénavant s’effectuer devant l’INPI. La déchéance d’une marque française pour défaut d’exploitation peut être demandée au bout de 5 ans à compter de son enregistrement si elle n’a pas fait l’objet d’un usage effectif et sérieux. Cette règle permet au titulaire de la marque de préparer l’exploitation et la mise sur le marché des produits et services visés par sa marque.


[1] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:62021CJ0183&from=EN

[2] L’article 19 dispose précisément : “1. Le titulaire d’une marque peut être déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage. 2. Nul ne peut faire valoir que le titulaire d’une marque est déchu de ses droits si, entre l’expiration de la période de cinq ans et la présentation de la demande en déchéance, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux. 3. Le commencement ou la reprise d’usage qui a lieu dans le délai de trois mois avant la présentation de la demande en déchéance, ce délai commençant à courir au plus tôt à l’expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n’est pas pris en considération lorsque les préparatifs pour le commencement ou la reprise de l’usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande en déchéance pourrait être présentée.”

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