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INFORMATIQUE : Un contrat portant sur un logiciel défectueux non résiliable !

À la question de savoir si un contrat, portant sur un logiciel défectueux, devait être résilié par la voie judiciaire, le Tribunal de commerce de Rennes s’est prononcé par la négative en date du 14 octobre 2021. Deux sociétés (« les Demanderesses ») ont chacune conclu un contrat avec une société prestataire de services informatiques (« la Défenderesse ») […]
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À la question de savoir si un contrat, portant sur un logiciel défectueux, devait être résilié par la voie judiciaire, le Tribunal de commerce de Rennes s’est prononcé par la négative en date du 14 octobre 2021.

Deux sociétés (« les Demanderesses ») ont chacune conclu un contrat avec une société prestataire de services informatiques (« la Défenderesse ») portant sur l’implémentation d’une solution logicielle de gestion en Mode SaaS comportant deux solutions logicielles standard (« les Solutions ») éditées par une société néerlandaise (« l’Editeur »). Le contrat souscrit par les Demanderesses incluait également un volet formation des utilisateurs, une assistance en ligne, ainsi qu’une maintenance corrective et évolutive de la solution logicielle.

Les Demanderesses ont rencontré des difficultés pour installer et paramétrer les Solutions : la mise en production des deux logiciels initialement prévue au 12 juin 2017 a dû être décalée au 1er janvier 2018. Au cours de l’année 2018, de nombreux dysfonctionnements ont été répertoriés et signalés à la Défenderesse sans que cette dernière n’apporte de solutions.

Par une lettre recommandée avec avis de réception, les Demanderesses ont mis en demeure la Défenderesse de rendre les logiciels opérationnels. Les Demanderesses ont saisi le Président du Tribunal de commerce de Rennes pour statuer en matière de référé expertise, ce qui a été accepté. L’expert judiciaire met en exergue un certain nombre de dysfonctionnements, dont la quasi-totalité a été attribuée à la Défenderesse.

Dans ce contexte, les Demanderesses ont assigné la Défenderesse devant le Président du Tribunal de commerce de Rennes aux fins de faire reconnaître la responsabilité de celle-ci dans les dysfonctionnements des solutions informatiques installées, la condamner à procéder aux actions préconisées dans le rapport d’expertise, et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, de prononcer la résiliation des contrats, et la condamner à payer une somme de 100 000 € et de 25 298,66 € à titre de dommages et intérêts, outre 15 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Sur la responsabilité contractuelle

S’appuyant sur les constats et les conclusions formulées par l’expert dans son rapport, le Tribunal considère qu’il y a eu une mauvaise exécution du contrat et retient la responsabilité contractuelle de la Défenderesse.

En outre, le juge retient que l’expert désigné a souligné que les Demanderesses étaient des petites structures sans service informatique, ce que la Défenderesse ne pouvait ignorer, imposant de fait à cette dernière, un devoir d’explication et de conseil qui s’est avéré insuffisamment assumé.

Sur la résiliation des contrats

Les Demanderesses sollicitent du Tribunal la résiliation des contrats aux torts exclusifs de la Défenderesse en s’appuyant sur les articles 1224, 1227 et 1228 du Code civil, pour cause d’inexécution grave de ces contrats.

L’article 1124 du Code civil prévoit effectivement qu’en cas d’inexécution suffisamment grave, une résolution peut être prononcée par une décision de justice.

En l’espèce, le Tribunal relève une mauvaise exécution des contrats aux torts de la Défenderesse, à la fois dans le non-respect du planning de mise en œuvre des Solutions et dans son incapacité à résoudre les problèmes techniques nés de leur implémentation et de leur fonctionnement.

Toutefois, le Tribunal souligne le fait que les Demanderesses (i) ont fait appel, au cours de la procédure à l’Editeur qui a pris en charge la résolution de certains dysfonctionnements, puis (ii) ont admis dans leurs dernières écritures « qu’à ce jour la quasi-totalité des dysfonctionnements affectant la gestion commerciale et gestion comptable ont été résolus ».

Dans ce contexte, le Tribunal constatant que les prestations se poursuivent même si la prestation fournie par la Défenderesse laisse à désirer et que l’exécution du contrat peut être qualifiée de partielle, l’Editeur ayant pallié certaines incapacités de la Défenderesse à résoudre les dysfonctionnements constatés, juge qu’il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation des contrats, sachant qu’en outre les Demanderesses non pas formellement mis en demeure la Défenderesse préalablement à la demande de résiliation judiciaire des contrats.

En effet, le Tribunal a fait une exacte application des articles 1224 et 1225 du Code civil qui prévoient que :

  • L’inexécution contractuelle doit être suffisamment grave : ce qui n’est plus le cas en l’espèce lorsque les Demanderesses reconnaissent que la quasi-totalité des dysfonctionnements a été résolue ;
  • La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse : ce qui n’est pas le cas en l’espèce car les Demanderesses ont seulement mis en demeure la Défenderesse de rendre les logiciels opérationnels.

Le Tribunal déboute ainsi les Demanderesses de leur demande de résiliation des contrats tout en reconnaissant le préjudice subi par celles-ci.

À ce titre, le Tribunal juge en conséquence qu’elles doivent en être indemnisées par une réfaction de 40% des factures de prestations émises les trois années depuis le démarrage de leur relation contractuelle : La Défenderesse est alors condamnée à payer à chaque Demanderesse la somme de 7810,56 € au titre des dommages et intérêts relatifs à l’inexécution partielle du contrat de prestations informatiques (en sus des 15 000 € au titre de l’article 700).

Que retenir de cette décision ?

Bien que cette décision puisse encore faire l’objet d’un appel par les parties, le Tribunal nous enseigne l’importance :

  • Du devoir de conseil qui incombe au professionnel de l’informatique, particulièrement lorsqu’il noue des relations contractuelles avec des professionnels non expérimentés du secteur de l’informatique ;
  • De cesser toute utilisation des logiciels litigieux lorsqu’ une résiliation judiciaire du contrat est demandée par le client, au risque de voir le juge constater une poursuite des relations contractuelles dans des conditions qui le permettent, à l’instar de la présente affaire.

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