Le 22 juin 2022, le Tribunal judiciaire de Paris[1] a condamné l’émettrice de faux avis publiés sur la page Google de la société Raimondi Immobilier à verser la somme totale de 7.000€ à titre de dommages et intérêts et pour les frais de procédure en raison de propos dénigrants. Les juges rappellent à cette occasion les éléments requis pour caractériser le dénigrement, qui peut intervenir en dehors de tout contexte concurrentiel.
Dans cette affaire, suite à un différend personnel avec le président de la société Raimondi Immobilier, une personne publie sur la page « Google My Business » de la société en question six avis négatifs, et ce via plusieurs comptes, accompagnés de la note minimale attribuable sur le service de Google.
Parmi les avis publiés, on retrouve les suivants : « Entreprise sérieuse ?? Quelle blague de mauvais goût nous avons été plus que déçu, pleins de defauts, travail pas finis, qualité du materiel posé bien plus que médiocre la peinture ne tient meme pas, les lampes mal accroché sont tombé en plein service, poignée de porte inexistante, nous avons bricolé des poignées en plastique pour tirer les placards. Notre appartement était mieux avant que après. Arnaque totale à éviter absolument », « M. Y. manque malheureusement sincèrement de sérieux et professionnalisme. Déçu de leur façon de traiter les clients » ou encore « Entrepreneur pas arrangeant ».
La société Raimondi Immobilier assigne donc l’émettrice des avis négatifs en cause, devant le Tribunal judiciaire de Paris pour actes de dénigrement, et demande le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Le Tribunal rappelle d’abord les dispositions de l’article 1240 du Code civil en matière de responsabilité civile délictuelle.
Il rappelle ensuite qu’un acte de dénigrement peut être commis indépendamment d’une situation de concurrence directe et effective entre deux personnes. Ainsi, la seule divulgation par une personne d’une information de nature à jeter le discrédit sur les produits, les services ou les prestations de l’autre peut constituer un acte de dénigrement.
Le Tribunal indique toutefois qu’une information se rapportant à un sujet général et reposant sur une base factuelle relève de la liberté d’expression et du droit à la libre critique. Il existe bien entendu des limites à la liberté d’expression, et l’information, par exemple, les propos ne doivent pas être communiqués sous une forme injurieuse.
Le Tribunal relève qu’en l’espèce, les commentaires publiés expriment une critique sévère et sans nuance de la qualité des services et prestations fournis par la société demanderesse, en remettant en cause le résultat et les conditions de réalisation de travaux de rénovation supposés. Le Tribunal considère en outre que les avis en cause revêtent un caractère mensonger dans la mesure où la personne les ayant publiés a admis ne jamais avoir fait appel aux services de la société Raimondi Immobilier et les a justifiés par le conflit personnel l’opposant au président de la société. Le Tribunal s’appuie sur ces messages qu’il qualifie de frauduleux, ne reposant sur aucune base factuelle et procédant d’une intention de nuire pour caractériser un dénigrement fautif au détriment de la société Raimondi Immobilier.
Le Tribunal cherche ensuite à déterminer l’étendue du préjudice causé par le dénigrement à la société Raimondi Immobilier. Il prend en compte la baisse de la notation moyenne sur Google My Business subie par la société lors de la publication des faux avis négatifs, ainsi que la hausse de la fréquentation de son site et des demandes de contact reçues observées par la société, suite à la suppression des avis litigieux. Le Tribunal évalue donc l’indemnisation due pour réparer le préjudice subi par la société Raimondi à un montant de 3.000€ (outre les 4.000€ au titre des frais de justice).
Cet arrêt permet de rappeler la gravité de la publication de faux avis en ligne, notamment quand sont observées les conséquences négatives qu’ils peuvent potentiellement avoir sur une activité économique. Il souligne aussi le fait que, malgré l’apparence d’anonymat à travers des pseudo en ligne, il est possible de remonter jusqu’à l’auteur d’un ou plusieurs propos afin que ce dernier de reste pas dans l’impunité.
Ce jugement est également similaire à l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 18 juin 2019[2] dans lequel la Cour indique qu’un commentaire critique de services ou de prestations publié sur un site internet devient fautif lorsque son auteur n’a pas bénéficié des services et prestations critiqués, ce qui caractérise le dénigrement.
[1] https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-paris-17e-ch-presse-civile-jugement-du-22-juin-2022/
[2] CA Versailles 18 juin 2019 RG n°18/02791