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Contrefaçon de paroles : la reprise partielle sans mélodie n’est pas une contrefaçon

Dans un jugement du 21 janvier 2022, le Tribunal judiciaire de Paris considéra que la nouvelle adaptation publicitaire par la société MAAF ASSURANCES de la chanson « C’est la ouate » ne constitue pas un acte de contrefaçon de droit d’auteur.   Depuis 2004, la société MAAF Assurances (ci-après « la MAAF ») était contractuellement autorisée à réenregistrer […]
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Dans un jugement du 21 janvier 2022, le Tribunal judiciaire de Paris considéra que la nouvelle adaptation publicitaire par la société MAAF ASSURANCES de la chanson « C’est la ouate » ne constitue pas un acte de contrefaçon de droit d’auteur.  

Depuis 2004, la société MAAF Assurances (ci-après « la MAAF ») était contractuellement autorisée à réenregistrer [en l’adaptant] la chanson « C’est la ouate » à des fins publicitaires. Un contrat conditionnant les modalités d’adaptation de ce titre avait été signé entre la société d’édition musicale UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING gérant les droits d’auteurs de la chanson et l’ancien agent publicitaire de la MAAF, la société POSSIBLE.  

En 2019, la MAAF présenta une nouvelle publicité réalisée par son nouvel agent publicitaire, la société AUBERT STORCH ASSOCIES PARTENAIRES, dans laquelle sont une nouvelle fois adaptées les paroles de la chanson comme suit : « Rien à faire, c’est la MAAF qu’il préfère ! » et « C’est la MAAF que je préfère! ».  

Or, depuis le 11 mars 2019, le contrat par lequel la MAAF était autorisée à réaliser de telles adaptations n’a pas été renouvelé avec la société UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING. Informés de cette nouvelle publicité, les ayants droits de l’auteur de la chanson mirent en demeure la MAAF de cesser l’usage de leur nouveau slogan adaptant la fameuse chanson “C’est la ouate” et l’assignèrent devant le Tribunal judiciaire de Paris, suivi par la société UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING, pour contrefaçon de droit d’auteur.  

A noter que l’auteur bénéficie sur son oeuvre d’un droit d’exploitation exclusif1 sur celle-ci à la condition que son oeuvre soit originale.  

Si l’oeuvre est originale, l’auteur peut prétendre au monopole du droit d’auteur et donc invoquer la contrefaçon de son œuvre en cas de reprise, d’imitation ou adaptation sans son consentement.  

  1. Si l’expression « de toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère » est originale … 

Pour être originale, l’oeuvre de l’esprit doit porter l’empreinte de la personnalité de son auteur, refléter son effort créatif. Si cette oeuvre fait l’objet d’un litige en contrefaçon, les juges sont tenus de rechercher si cette oeuvre est protégeable au titre du droit d’auteur et donc originale2

A noter que les « compositions musicales avec ou sans paroles » sont considérées comme des œuvres de l’esprit au sens du Code de la propriété intellectuelle3

En l’espèce, les juges ont reconnu, sur la base des arguments apportés, (rythme, structure de l’expression) le caractère original et donc la protection au titre du droit d’auteur des paroles de la chanson (associées à sa mélodie) sur la base desquelles est invoquée la contrefaçon, à savoir : « de toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère ».   

Si les juges ont affirmé la protection au titre du droit d’auteur des paroles de la fameuse chanson des années 80, son adaptation publicitaire par la MAAF constitue-t-elle une contrefaçon ?  

  1. Son adaptation publicitaire « Rien à faire, c’est la Maaf qu’il préfère » constitue-t-elle une contrefaçon de droit d’auteur ? 

En matière de droit d’auteur, l’auteur d’une oeuvre bénéfice de prérogatives d’ordre moral4 et d’ordre patrimonial. Les droits patrimoniaux5, qui marquent l’exclusivité d’exploitation de l’auteur sur son oeuvre, comprennent le droit de représentation et le droit de reproduction.  

Dès lors, l’auteur d’une oeuvre est en droit d’interdire ou d’autoriser la représentation et/ou la reproduction de son oeuvre. Ces agissements, sans le consentement de l’auteur, sont illicites et constituent des actes de contrefaçon6

A noter également que les adaptations, transformations ou arrangements d’une oeuvre de l’esprit sans l’autorisation de son auteur sont illicites7.  

En l’espèce, les ayants droits et la société d’édition musicale UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING reprochent à la MAAF d’avoir réadapté dans une publicité les fameuses paroles de la chanson « C’est la Ouate » sans leur autorisation. Sachant que la MAAF n’était plus contractuellement autorisée à le faire.  

Pour apprécier la contrefaçon, le Tribunal va alors rechercher si l’expression « Rien à faire, c’est la Maaf qu’il préfère » issue et adaptée de la chanson « C’est la Ouate » comportent des similitudes de rythme, de mélodie et d’harmonie avec les paroles d’origine.  

De manière succincte, les juges vont écarter la contrefaçon en tenant compte du fait que la mélodie de la chanson n’a pas été reprise au sein de la campagne publicitaire (mélodie qui avait cependant été reprises dans les anciens spots publicitaires) et que « n’a été conservée que la chute de la phrase, c’est-à-dire le verbe « préférer » conjugué à la première ou à la troisième personne ». 

En conséquence, la seule phrase « Rien à faire, c’est la Maaf qu’il préfère » reprise dans la campagne publicitaire (sans être associée à la mélodie) ne constitue pas la contrefaçon de la phrase « de toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère » issue de la chanson « C’est la Ouate »  

Notons toutefois que les juges sont souvent plus sévères et protecteurs envers le ou les auteurs des œuvres musicales reprises dans des publicités.  Pour exemples, la Cour de cassation a reconnu en 2009 la contrefaçon de droit d’auteur (du droit au respect de l’oeuvre) de la chanson bien connue « On va s’aimer » qui avait fait l’objet d’une adaptation publicitaire pour les restaurants flunch : « On va fluncher ». 8 Même sanction pour Afflelou qui a été condamné en 2017 pour contrefaçon de droit d’auteur en adaptant, pour une publicité (« Tchin Tchin »), la chanson « Cheat Cheat » de Charles Blackwell9. En ce qui concerne ces deux décisions et à l’inverse de la décision commentée, les adaptions publicitaires de ces chansons reprenaient la mélodie et le rythme d’origine, ce qui a favorisé la caractérisation de la contrefaçon.  

Il ne serait pas surprenant que les ayants droits de l’auteur cette chanson fassent appel de cette décision… Affaire à suivre. 

A RETENIR 

-La protection au titre du droit d’auteur est reconnue si l’oeuvre en cause est originale, empreinte de la personnalité de son auteur. La caractérisation de l’originalité de l’oeuvre est nécessaire pour reconnaitre la contrefaçon des droits d’auteur ;   

-L’auteur dispose dès lors de prérogatives lui permettant d’autoriser et/ou d’interdire la reproduction et la représentation de son oeuvre. Les adaptations de ces œuvres sont soumises aux mêmes règles ; 

– l’existence d’un contrat de cession des droits d’auteur (droits patrimoniaux) doit également être pris en compte car il permet notamment d’encadrer l’étendue et la durée de la cession.  

-enfin, la reprise partielle d’une oeuvre de l’esprit dépend de certains facteurs (en fonction de l’oeuvre): l’adaptation de quelques paroles de chanson (une seule phrase en l’espèce) dans le cadre d’une publicité sans reprise du rythme ni de la mélodie ne constitue pas une contrefaçon de droits d’auteur. 

IMPORTANT : La cession des droits d’auteur (droits patrimoniaux) n’emporte pas cession des droits moraux qui sont attachés de manière perpétuelle, inaliénable et imprescriptible à l’auteur.   

1L.111-1 Code de la propriété intellectuelle 

2 Cass. Soc., 24 avril 2013, n° 10-16063 et 10-30676 

3 L.112-2, 5° Code de la propriété intellectuelle 

4 L.121-1 – L.121-9 Code de la propriété intellectuelle 

5 L.122-1 – L.122-12 Code de la propriété intellectuelle 

6 L.122-4 Code de la propriété intellectuelle 

7 Même article 

8 Civ 1ère, 02 avril 2009 n° 08-10.194 

9 Tribunal de grande instance de Paris, 11 mai 2017, n° 14/17784 

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