Dans un arrêt du 15 avril 2022[1], la Cour d’appel de Paris a confirmé que la renommée du groupe musical les Beatles ne s’étend pas automatiquement à la marque BEATLES, dont il est nécessaire de prouver qu’elle est connue au-delà des disques sonores.
En l’espèce, la société Apple Corps Limited est titulaire de la marque verbale de l’Union européenne BEATLES, déposée le 1er avril 1996 pour des produits et services en classes 6, 9, 14, 16, 18, 20, 21, 24 à 28, 34 et 41 comme des disques acoustiques, appareils pour enregistrement, la reproduction du son ou des images, des portes clefs, tee-shirt, sweatshirt, portefeuille, stylos à bille…
La société Apple Corps Limited s’est opposée à la demande d’enregistrement de la marque verbale française THE BEATLES. Cette marque verbale, déposée le 29 décembre 2019 par un particulier, désigne des produits et services différents de la marque antérieure BEATLES, en classes 12, 29, 30, 32, 33, 36, 39, 42 et 45 comme par exemple des véhicules, de la viande, du poisson, du café, thé, bière ou encore des services juridiques, ou la célébration de cérémonie religieuse.
Le 16 février 2021, le directeur général de l’INPI a rejeté l’opposition formée par la société Apple Corps Limited, cette dernière a alors fait appel de cette décision.
En effet, quand bien même la marque THE BEATLES serait destinée à être exploitée pour des produits et services différents de ceux de la marque antérieure, l’appelante se prévalait de la forte renommée auprès du grand public de sa marque BEATLES au titre de l’article 8 du règlement n°2017/1001. Au sens de cet article, la marque de renommée bénéficie d’une protection spéciale étendue au-delà du cercle des produits et services pour lesquels elle a été enregistrée. L’appelante ajoute que cette protection étendue se justifie par l’idée qu’une telle marque à un pouvoir d’attraction propre et indépendant des produits et services quelle désigne.
Or, la société Apple Corps Limited reproche à l’INPI d’avoir limité la renommée de la marque aux “disques sonores” alors que des décisions du Tribunal de l’Union Européenne du 29 mars 2012 et de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 14 mai 2013 ont reconnu la renommée de la marque BEATLES pour d’autres produits et services visés dans son enregistrement.
Enfin, l’appelante précise qu’au regard de la réputation mondiale de sa marque, les produits et services quels qu’ils soient, proposés par un tiers sous un signe quasi-identique bénéficieront de cette renommée et ainsi un tel signe pourra tirer profit de cette attractivité et des investissements de la marque de renommée.
La Cour d’appel rappelle que l’atteinte à la renommée d’une marque s’établit en fonction d’un lien de rattachement entre le signe contesté et la marque de renommée. Or, elle déclare que la requérante n’a pas établi de lien entre les produits visés par la demande de marque THE BEATLES et les « disques sonores » pour lesquels la renommée de la marque BEATLES est reconnue. Ainsi, la Cour d’appel précise qu’il n’est pas possible d’évaluer jusqu’où cette renommée permet d’étendre la protection conférée de la marque. C’est donc en vertu d’une application stricte du principe de spécialité du droit des marques de la Cour d’appel a confirmé la décision de l’INPI.
La Cour d’appel rappelle en outre que la renommée de la marque verbale BEATLES est établie pour les “disques sonores” (classe 9), mais que l’appelante a échoué à apporter les preuves de la renommée pour les autres produits et services : « Faute pour la société [requérante] de mettre en relation les produits et services de la demande d’enregistrement contestée, au moins par catégorie de produits et services, avec les “disques sonores”, produits pour lesquels la renommée de la marque BEATLES a été reconnue, il n’est pas possible d’évaluer jusqu’où cette renommée permet d’étendre la protection conférée à la marque. »
En conclusion, la renommée est un élément à démontrer pour chacun des produits et services invoqués au sein de l’enregistrement. Dès lors, la marque BEATLES ne peut être considérée comme ayant acquis une renommée du seul fait qu’il s’agisse de la référence au groupe de rock mondialement connu.
Cet arrêt sonne comme un air de déjà vu car il rappelle que s’opposer aux demandes de marques nouvelles n’est pas un exercice aisé même pour les plus grandes marques. A ce titre McDonald’s avait d’ailleurs échoué à sauver sa marque BIG MAC. L’EUIPO dans sa décision n°14788C du 11 janvier 2019 (Supermac’s c/ McDonald’s) avait révoqué cette marque à la suite d’une action en déchéance de marque pour défaut d’usage sérieux.
[1] Cour d’appel de Paris – Pôle 05 ch. 02 – 15 avril 2022 – n° 21/09159