Actualités de la propriété intellectuelle : Mars 2012

Marques

Apple privé d’Ipad ?

Haute Cour de la Province du Guandong, Chine, 29 février 2012, Apple Inc. c/ Proview Technology ipad Alors que l’Ipad 3 vient d’être lancé, Apple est toujours dans la tourmente en Chine, où sa précieuse tablette risque l’exil. En effet, voilà plusieurs mois que la firme américaine est en contentieux avec Proview Technology, une entreprise chinoise qui revendique la propriété de la marque Ipad. En 2011, c’est Apple qui poursuivait Proview pour utilisation frauduleuse de sa marque, après avoir été déboutée en décembre, l’appel est lancé devant la Haute Cour. Mais en 2012 les rôles s’inversent. La société chinoise en pleine faillite n’a plus rien à perdre et se défend bec et ongles, quoiqu’il en soit les banques chinoises créancières de l’entreprise veillent au grain, et ne lâcheront pas Apple. En l’espèce, Apple, appelante, fait valoir qu’un accord avait été conclu en 2009 entre Proview et IP Application Development (IPAD) une des filiales du géant informatique, permettant le transfert des droits sur la marque Ipad en Chine notamment. Elle rappelle également que la marque Ipad a atteint la postérité grâce au lancement et à la commercialisation faite par Apple, alors que Proview n’en a aucun usage. Proview dénonce une escroquerie ; l’usage d’une entreprise intermédiaire comme IPAD servait à cacher les intentions réelles de la firme californienne, et ainsi à la tromper sur les termes réels de l’accord, elle concluait à l’interdiction des ventes d’Ipad en Chine. L’échange houleux entre les avocats des deux parties aurait duré six heures, à l’issue desquelles aucun accord n’a été trouvé. L’entreprise chinoise déclarait à la sortie du procès qu’elle était ouverte à la négociation. Une négociation qui tournerait autour de 400 millions de dollars, une belle affaire pour l’entreprise en déroute.

INPI et Picard : avis de grand froid !

Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, 2ème chambre, 20 janvier 2012, PICARD SURGELES c/ Directeur de l’INPI En février 2007, l’entreprise de surgelés PICARD avait déposé une marque intitulée « Mini-moelleux » dans les classes 29 et 30. En juin 2007, l’INPI avait émis une objection sur la forme et le fond à l’enregistrement. Un projet de décision était intervenu quatre ans plus tard en mai 2011, devenu définitif en juillet 2011, et concluait au rejet de la demande de marque. Picard Surgelés a ainsi formé appel en août 2011. Sur la forme, la Cour considère que le délai de réponse de l’INPI  sur une demande de marque, s’il est limité à quatre mois pour la forme, n’est soumis à aucun délai sur le fond, et que par conséquent la décision intervenue quatre ans après est recevable. Sur le fond, le Cour rappelle que les termes « mini » et « moelleux » contrairement à ce qu’avance l’entreprise de surgelés ne constituent pas, même séparés par un trait d’union, un néologisme susceptible de remplir la condition de distinctivité nécessaire à la recevabilité d’un dépôt de marque. Elle souligne ainsi que « le signe «mini-moelleux » n’est pas distinctif à l’égard des produits alimentaires visés dans la demande d’enregistrement », mais que les deux termes sont « purement descriptifs de produits alimentaires présentés en petite taille et moelleux ». Le recours de Picard Surgelés est ainsi rejeté.

Ethnicité : Urban Outfitters mauvais élève

US District Court, Nouveau Mexique , 28 février 2012, Navajo Nation c/ Urban Outfitters Inc. Les imprimés à la mode, et les inspirations ethniques ne sont pas du goût de la communauté Navajo. En effet, ces amérindiens tiennent à leur important patrimoine culturel et restreignent l’usage du terme « Navajo », mettant en avant l’importance de cet héritage ethnique pour les Indiens d’Amérique. Ils ont notamment déposé une marque « Navajo », et bénéficient d’une loi qui protège l’artisanat ethnique. C’est pour cette raison qu’une plainte a été déposée devant la Cour de District du Nouveau Mexique le 28 février dernier contre Urban Outfitters qui utilisait le terme « Navajo » pour désigner certains de ses produits, notamment des sous-vêtements et des accessoires tels que des flasques. La communauté qui proscrit la consommation d’alcool a décidé d’agir, elle refuse qu’une entreprise aussi importante qu’Urban Outfitters puisse tirer profit de son nom. Pour les Navajo c’est une question d’honneur : la civilisation amérindienne a perdu ses terres il y a quelques siècles, mais se battra pour son nom. Urban Outfitters s’était empressée de retirer les produits litigieux de son site, et se refusait à tout commentaire. Cependant quelques semaines plus tard, c’est la rechute. En effet, à l’occasion de la Saint Patrick, la société voulait lancer une série de vêtements laissant sous-entendre une propension à l’alcoolisme de la communauté irlandaise… ce qui n’est apparemment pas l’avis de cette dernière.

Autour d’ « ELLE »

TGI Paris, 3ème chambre, 3 ème section, 8 juillet 2011, Hachette Filipacchi Presse SA et Hachette Filipacchi Associés SNC c/ Elles FM – L FM Association logo_ELLE La société Hachette détentrice de la marque communautaire « ELLE » depuis 2003, a assigné l’Association  ELLES FM – L FM en contrefaçon, atteinte à la renommée et concurrence parasitaire suite au dépôt des marques « ELLES FM RADIO TELEVISION » et « L FM RADIO TELEVISIONS » du 29 juin 2009. Les marques litigieuses ont notamment été utilisées sur divers sites internet, lors d’une campagne publicitaire, ainsi que pour désigner des services radiophoniques identiques aux services désignés par la marque communautaire. Le Tribunal va distinguer les deux marques, remarquant que « L FM RADIO TELEVISION » est moins susceptible de confusion dans l’esprit du public. En revanche, il fait droit à la demande de la société Hachette concernant la marque « ELLES FM RADIO TELEVISION ». Il considère que l’association a « commis des actes de contrefaçon de la marque communautaire « ELLE » par le dépôt et l’usage total ou partiel » de la marque litigieuse. Il ordonne ainsi la radiation de la marque et déboute Hachette sur la seconde marque.

Noms de Domaine – Internet – NTIC

Hadopi fonctionne-t-elle ?

Tour d’horizon deux ans après l’adoption de la loi. Alors qu’elle nécessite un budget de 14 millions d’euros par an, la Haute Autorité n’aurait permis de poursuivre qu’environ 165 personnes et ce jusqu’à la Commission de Protection des Droits soit l’étape précédant la comparution devant un procureur. Peut-on dès lors parler de fiasco ? Avec la fermeture de Megaupload, les internautes s’attendaient à ne plus trouver de ressource de téléchargement illégal, cependant il a été démontré que le piratage continue via les logiciels peer-to-peer, et que plus de 50% des « pirates » avaient bien l’intention de continuer. Il semblerait donc que la Hadopi ne se retrouve pas au chômage technique dans les prochaines semaines. Malgré tout le succès n’est pas garanti, en effet sur le plan technique les internautes auteurs de téléchargement ont trouvé de nouvelles façons de contourner les méthodes de repérage d’Hadopi notamment, en brouillant les pistes. Ainsi ont commencé à émerger des « Magnets » sur le peer-to-peer, lequel lien ne passe pas par les adresses IP mais renvoie simplement au contenu empêchant tout traçage des internautes. Sur le plan légal, il semblerait que le Ministère de la Justice ne soit pas disposé à aider la Haute Autorité. En effet, une circulaire a été transmise aux procureurs leur précisant de ne pas diligenter d’enquête supplémentaire à celle d’Hadopi lorsque les cas de « pirates » leurs sont soumis. Une directive qui peut laisser songeur. Quoiqu’il en soit Hadopi semble avoir du souci à se faire.

Syreli entre deux béguins

AFNIC, 3 janvier 2012, PMC Lingerie SAS c/ Bruno A. « petitbeguin.fr » Les toutes premières décisions de l’AFNIC via Syreli sont tombées en ce début d’années, et sont plutôt prometteuses. Nous avons choisi l’exemple du site « petitbeguin.fr » pour illustrer nos propos. L’AFNIC étudie la demande du requérant, la société PMC Lingerie qui requiert le transfert du nom de domaine litigieux. En effet, celle-ci étant titulaire de la marque « P’TIT BEGUIN » et du nom de domaine « ptibeguin.fr », elle considérait que le nom de domaine litigieux portait atteinte à ses droits puisqu’il intervient dans le domaine de l’habillement tout comme elle. Le titulaire du nom de domaine quant à lui avance qu’il renvoie au nom de la SARL PETIT BEGUIN laquelle est spécialisée notamment dans la vente de chapeau auquel fait référence le terme « béguin ». L’AFNIC conclut que la SAS PMC Lingerie ne démontre pas en quoi la SARL PETIT BEGUIN n’aurait pas d’intérêt légitime à disposer du nom de domaine litigieux, ni en quoi elle serait de mauvaise foi, la demande de la SAS est donc rejetée, et le titulaire conserve son nom de domaine.

Propriété Littéraire et Artistique

Le merveilleux monde de la contrefaçon

US Appeals Court for the Ninth Circuit, 27 février 2012, Mattel c/ MGA Au pays des poupées en plastique tout n’est pas féérique, la preuve en est entre Mattel et MGA le conflit dure depuis 8 ans ! Mais l’enjeu est de taille, car Mattel dont la vente de Barbie est en déclin depuis quelques années aurait bien aimé que son principal rival ne développe pas les « Bratz » ou la version moderne et moins chic que Barbie. D’autant que le géant du jouet avance que l’idée d’origine appartenait à un designer-jouet alors employé chez Mattel, puis embauché chez MGA. Y-a-t-il donc eu une atteinte au droit d’auteur de Mattel ? C’est la question que se pose les différents jurys devant lesquels ont été porté l’affaire depuis 8 ans. En 2008, un jury fédéral s’était prononcé en faveur de Mattel et avait condamné MGA à 100 millions de dollars de dommages et intérêts. L’an dernier en appel, la décision était finalement en faveur de MGA. La décision du 28 février vient clore le débat puisque Mattel bien que dénonçant la solution retenue par la Cour, a décidé d’arrêter les frais. Elle se trouve néanmoins condamnée à payer 310 millions de dollars dont 172 millions de dommages et intérêts pour atteinte au secret de fabrication. MGA salue le retrait de son adversaire « dans un procès qui n’avait pas lieu d’être ».