Actualités de la propriété intellectuelle : Mai 2013

Internet – NTIC

Précisions sur l’étendue de l’obligation de retrait des hébergeurs

CA Paris, Pôle 1, Chambre 2, 4 avril 2013, Rose B. / JFG Networks (RG 12/12001) larafle Et HetM contre : youtube TGI Paris, ord. de référé, 4 avril 2013, H&M Hennes & Mauritz Logistics GBC France et H&M Hennes & Mauritz AB / Google Inc, Youtube (RG 13/52578) La Cour d’appel et le Tribunal de Grande Instance de Paris ont rappelé dans deux décisions du même jour que l’hébergeur n’est dans l’obligation de retirer un contenu en application de l’article 6 I 2°) de la loi LCEN que lorsque celui-ci est manifestement illicite et qu’il n’est pas dans l’obligation de se faire juge de la licéité des contenus. 1/ Comme le précise l’arrêt de la Cour d’appel de Paris dans le cadre d’une action en diffamation intentée par la réalisatrice du film La Rafle : « pour que la mise en ligne d’un article constitue un trouble manifestement illicite, encore faut-il que le contenu lui-même de la publication litigieuse présente un caractère manifestement illicite », ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Et la Cour de rappeler que l’hébergeur n’a pas d’« obligation générale de surveillance des informations qu’ils stockent, ni à une obligation générale de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités illicites » (voir en ce sens également : Cour de cassation, 1ère Chambre civile, n° de pourvoi 11-13669, 12 juillet 2012). 2/ En matière de contrefaçon de marque, l’hébergeur n’est tenu de retirer le contenu que lorsque la contrefaçon est vraisemblable. Dans son ordonnance du 4 avril dernier, le TGI de Paris a considéré que la société YouTube n’était pas tenue de retirer une vidéo comprenant la reproduction de la marque H&M dès lors que « le signe reproduit sur leurs sites internet ne vise pas plus à désigner qu’à promouvoir un produit qui serait offert à la vente, mais seulement à informer l’internaute du comportement éventuel de la société titulaire de la marque en question, de sorte qu’il n’a pas pour but de renseigner le consommateur sur la nature ou l’origine d’un produit et n’est nullement utilisé dans la vie des affaires » et qu’en conséquence, la contrefaçon de marque n’est pas vraisemblable.

Contrefaçon de marque

ADWORDS L’ illicéité de l’usage d’une marque dans un système de référencement publicitaire sur internet.

Hight Court of Justice Chancery Division, 22 May 2013, Interflora C/ Marks and Spencer interflora googleMarksetSpencer Marks and Spencer (M & S) a développé un service de livraison de fleurs en concurrence avec l’activité de la société Interflora. Dans le cadre du service de référencement « AdWords » de Google, M & S a sélectionné les termes « Interflora » et ses variantes, à savoir : « Interflora Flowers », « Interflora Delivery », « Interflora.com » etc en tant que mots clés. Ainsi, un internaute qui entrait le terme « Interflora », ou l’une de ses variantes dans le moteur de recherche Google, voyait apparaitre une annonce commerciale pour M & S. La Haute Court de Justice du Royaume Uni, devant laquelle la société Interflora a introduit son action pour violation de ses droits de marques, a posé une question préjudicielle à la CJUE relative à l’emploi d’une marque d’un concurrent à titre de mot clé dans le cadre d’un service de référencement. Pour la CJUE (CJUE, 22 septembre 2011, affaire C-323/09), le titulaire de la marque est habilité à interdire cet usage, si et seulement si, celui-ci est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque (fonction d’indication d’origine, fonction de publicité et fonction d’investissement). La CJUE a ainsi précisé que l’usage d’un mot-clé correspondant à une marque dans le cadre du système de publicité AdWords porte atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque lorsque la publicité affichée à partir dudit mot-clé entraîne un risque de confusion ou ne permet pas – ou seulement difficilement – à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou au contraire d’un tiers. Interrogée également sur les marques de renommée, la CJUE indique que la sélection, dans le cadre d’un service de référencement, de signes identiques ou similaires à une marque renommée d’autrui peut s’analyser comme un acte de parasitisme. De retour devant la juridiction anglaise (Hight Court of Justice Chancery Division, 22 May 2013, Interflora c/ Marks and Spencer), les juges examinent, d’abord si la pratique d’achat des mots clés par M & S a porté atteinte à la fonction d’investissement de la marque « Interflora ». Les juges décident, que les internautes, normalement informés, qui ont fait une recherche par le mot clé « Interflora » ou ses variantes puis cliquent sur la publicité pour M & S présentée en réponse, sont amenés à croire que le service de livraison de fleurs proposé par M & S fait partie du réseau Interflora. Dès lors, l’usage de ces signes a porté atteinte à la fonction d’origine de la marque. Cet usage n’a toutefois pas porté atteinte à la fonction d’investissement de la marque. La Haute Court de Justice, a décidé, en outre, que l’emploi par M & S du terme « Interflora » à titre de mot clé n’a ni porté atteinte au caractère distinctif de la marque ni permis à M & S de tirer indûment profit de la renommée de cette marque.

Sedo, éditeur et auteur d’actes de contrefaçon de la marque « Sexy Avenue »

sedo Cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 1, 17 avril 2013, Sedo GmbH, Sedo.com / Dreamnex : La société de droit allemand Sedo GmbH et la société de droit américain Sedo.com Llc proposent, sur leur site internet www.sedo.com, un service de courtage et de « parking » de noms de domaine (NDD) qui leur permet de vendre à des entrepreneurs de l’internet des NDD qu’ils ont créés ou réservés. La société Dreamnex, titulaire de la marque semi-figurative « Sexy avenue », a découvert que les noms de domaines « sexyavenue.mobi », « sexyavenue.biz », « sexyavenue.info » avaient été enregistrés et proposés à la vente aux enchères sur le site internet www.sedo.com. Le 12 mars 2010, le tribunal de grande instance de Paris a conféré au site le statut d’éditeur et a estimé que les sociétés Sedo avaient commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative « Sexy avenue » dès lors que ces sociétés exploitaient commercialement les noms de domaine qui reproduisaient l’élément verbal dominant de ladite marque. Les sociétés Sedo ont alors interjeté appel aux motifs qu’elles ne peuvent être considérées comme éditrices dès lors qu’elles ne fournissent qu’une plateforme purement automatisée et que leur rôle est purement technique, passif et automatique. La Cour d’appel de Paris déboute ces dernières en confirmant leur statut d’éditrices du site internet www.sedo.com dès lors qu’elles exercent une action déterminante sur les pages « parking », de telle sorte que leur responsabilité est pleinement engagée. Ainsi, aux termes de l’arrêt du 17 avril 2013, le site internet, qui permet aux titulaires de parquer leurs noms de domaine non utilisés de façon lucrative, fait bien l’objet d’une exploitation commerciale. En conséquence, les sociétés Sedo ont commis des actes de contrefaçon de marque en procédant à l’enregistrement desdits noms de domaine et en les exploitants commercialement.

Concurrence déloyale

Protection de l’architecture et des conditions générales d’un site internet sur le fondement de la concurrence déloyale

TGI Paris, 3ème chambre 2ème section, 15 mars 2013, Beemoov c/ Jurovi Studio mabimbo La reprise de l’architecture d’un site internet et de ses conditions générales constitue un acte de concurrence déloyale ouvrant droit à indemnisation au profit du site internet qui en est victime. La société Beemoov, éditrice de jeux virtuels se rapportant à la mode, a assigné pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale la société Jurovi studio qui a mis en ligne le site internet www.fashiondeez.com dédié à un « jeu de simulation de vie regroupant la mode et le look ». Sur la contrefaçon de marque, la société Beemoov, titulaire de deux marques « Ma Bimbo », reproche à la société Jurovi studio de reproduire ces signes sur la page d’accueil de son site internet et d’utiliser la dennomination « Bimbo’s store » pour désigner sa boutique de vente de vêtement virtuel sur le ledit site. Le Tribunal décide, pour rejeter cette demande, que le terme « Bimbo » n’a pas été utilisé à titre de marque pour « distinguer l’origine et la nature des produits proposés à la clientèle de ceux provenant de la concurrence » mais simplement en tant que terme de la vie courante. Ainsi, il n’a pas instauré de confusion dans l’esprit des internautes. Une demande sur le fondement contrefaçon de marque n’empêchant pas une demande sur le fondement de l’article 1382 du Code civil pour concurrence déloyale tant qu’elles sont fondées sur des faits distincts, la société Beemoov soutient, en outre, que la société défenderesse serait coupable de pratiques anticoncurrentielles et d’actes de publicité trompeuse. Le tribunal juge que la reprise du contenu du site internet de la demanderesse (onglets de la page d’accueil, forum, vocables, schéma économique…) est constitutive de concurrence déloyale. Ainsi, et dépit que « bon nombre de fonctionnalités sont inhérente à ce genre de jeux », les juges décident que par son aspect général, « la reprise de ces éléments a un caractère fautif constitutif de la concurrence déloyale ». Le tribunal a également retenu la responsabilité de la défenderesse pour avoir repris « certains passages en entier des conditions générales de vente » de la société Beemoov. Enfin, les juges rejettent la demande en concurrence déloyale à raison de la mise en place de liens hypertextes sur un blog consacré au site « Ma bimbo » vantant les mérites du jeu de la société Beemoov, mais renvoyant vers le site du défendeur. Cependant, faute de rapporter la preuve que cette dernière serait à l’origine de la mise en place de ces liens, le tribunal ne fait pas droit à cette demande.

Noms de Domaine

L’AFNIC gardienne de la loi et de la Constitution : « Dassaultsystems.fr »

Décision Syreli n°FR-2013-00340, 29 avril 2013 afnic avion La société DASSAULT SYSTEMES a introduit une requête auprès de l’AFNIC en vue du transfert du nom de domaine « Dassaultsystems.fr » réservé par M. Bernard Joseph C. le 13 août 2012. La requérante a indiqué à l’agence que le nom de domaine litigieux a été utilisé comme adresse de messagerie afin d’effectuer des commandes de matériel auprès de différentes sociétés en usurpant l’identité de responsables de la société DASSAULT SYSTEMES, afin de ne pas avoir à en acquitter les factures. La société DASSAULT SYSTEMES, qui affirme, au vu de cette manœuvre, avoir déposé une plainte pour escroquerie, a sollicité le transfert du nom de domaine litigieux sur le fondement de l’atteinte à des droits de propriété intellectuelle et/ ou de personnalités en fournissant la preuve de droit antérieurs et en argumentant classiquement sur l’absence d’intérêt légitime et la mauvaise foi du titulaire. Le Collège de l’AFNIC a décidé d’examiner si le nom de domaine « Dassaultsystems.fr » était susceptible de porter atteinte à des droits garantis par la Constitution ou par la loi (article L. 45-2 du Code des postes et des communications électroniques) alors même que ce fondement n’était pas invoqué par la requérante. Au vu des pièces fournies par la requérante notamment sur l’usurpation d’identité constituant un faisceau d’indices, l’AFNIC a considéré que le nom de domaine était susceptible de porter atteinte à des droits garantis par la Constitution ou par la loi. La transmission du nom de domaine « dassaultsystems.fr » a en conséquence été ordonnée. Cette décision démontre que l’AFNIC ne se limite pas aux fondements juridiques invoqués par le requérant pour trancher un litige.