Actualités de la propriété intellectuelle : Mai 2012

Marques

Abercrombie & Fitch dénudé de sa marque ?

Cass. Com., 20 mars 2012, A&F Trademark Inc. et Abercrombie & Fitch Europe c/ BDS 265 abercombrieEtFitch La société Abercrombie & Fitch Trademark Inc. a attaqué successivement en contrefaçon de ses marques françaises et communautaires, plusieurs sociétés françaises offrant sur le territoire français divers vêtements affichant le signe de la marque. Pour justifier l’usage sérieux de ses marques, la société demanderesse invoquait notamment l’exploitation d’un site Internet sur lequel étaient présentés et offerts à la vente des produits portant la marque « Abercrombie & Fitch », l’utilisation de la marque à titre de nom de domaine, ainsi que l’existence de ventes significatives en France de produits portant la marque. Les cours d’appel avaient alors pourtant prononcé la déchéance des marques en cause, en retenant que les pièces produites au débat ne permettaient pas de justifier d’un usage sérieux et effectif. Pour confirmer ces décisions, la cour de cassation a ainsi jugé que la cour d’appel avait justement retenu que les articles de presse concernant l’implantation de la boutique « Abercrombie & Fitch » à Londres étaient « dénués de pertinence » et qu’ils ne faisaient état que de l’activité de la société dans la capitale anglo-saxonne « sans que soient distinguées voire même mentionnées les marques en cause ». La cour de cassation prononce donc une nouvelle fois la déchéance de la marque communautaire, au motif qu’il n’était pas justifié d’un usage effectif de celle-ci pour désigner des vêtements dans l’Union Européenne. Il est donc important de noter qu’en cas de pluralité de marques, il convient de conserver avec soin les preuves de l’usage sérieux de chacune des marques exploitées mais aussi que la notoriété de la marque doit être distinguée de l’usage sérieux qui peut en être fait.

Le coup d’éclat du caractère distinctif

Cour de cassation, Chambre commerciale, 3 avril 2012, n°11-18.144, Laboratoire APSETA c/ la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique coupEclat okara Un laboratoire cosmétique, titulaire de la marque « Coup d’éclat », a constaté qu’une société concurrente commercialisait un produit pour cheveux colorés avec la mention « sérum coup d’éclat ». Le laboratoire cosmétique assigne la société en contrefaçon de sa marque et concurrence déloyale. La société a alors formé une demande reconventionnelle pour concurrence déloyale soutenant que le laboratoire l’avait dénigré auprès de l’un de ses distributeurs. La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel soit l’absence de contrefaçon aux motifs que « l’expression « sérum coup d’éclat sans rinçage» n’avait pas pour objet de désigner l’origine du produit […] mais servait à la définition de la qualité du produit vendu et ne désignait pas le produit lui-même, la cour d’appel a pu en déduire que dans cette locution l’expression « coup d’éclat » perdait son individualité et son pouvoir distinctif ». La Cour de cassation affirme le caractère distinctif de la marque mais n’interdit pas l’utilisation des termes « coup d’éclat » dés lors que l’expression sert à décrire les qualités du produit.

Le dépôt communautaire montre et calendrier en main…

CJCE 22 mars 2012 Génesis Seguros Generales ociedad Anonima de Seguros y Reaseguros (Génesis) c/ Boys Toys SA clock Une date : un jour, un mois et une année. Le droit de l’Union ne tient pas compte de l’heure à laquelle le dépôt d’une marque communautaire a été effectué mais uniquement sa date. Le 12 décembre 2003 à 11h52 et à 12h13, la société Génesis dépose par voie électronique, auprès de l’OHMI, deux demandes de marques verbales communautaires « Rizo » et « Rizo, El Rizo » notamment en classe 28 pour désigner des jeux et des jouets. Le même jour, à 17h45, la société Pool Angel Tomàs SL dépose à l’office espagnol une demande de marque nationale verbale « Rizo’s » en classes 28. Le titulaire de la marque communautaire a alors formé opposition à la demande de marque nationale espagnole, toutefois l’antériorité de sa marque ne lui a pas été reconnue et ce même si selon la loi nationale espagnole l’heure du dépôt est habituellement un élément pertinent aux fins de détermination de l’antériorité des droits. Le juge espagnol a alors interrogé par question préjudicielle la Cour de Justice de l’Union. Il convenait ainsi de savoir si, en vertu de l’article 27 du Règlement n°40/94, il y avait lieu de tenir compte non seulement du jour, mais également de l’heure et de la minute de dépôt de la demande de marque communautaire afin de déterminer l’antériorité de cette marque comparativement à une marque nationale déposée le même jour. La CJUE a répondu par la négative en précisant que, en tant que système autonome et indépendant des systèmes nationaux, le régime des marques communautaires possède des règles propres relatives à la date de dépôt de la demande de marque communautaire, sans effectuer de renvoi aux dispositions du droit national. En conséquence, le droit de l’Union s’oppose à ce que l’heure et la minute du dépôt de la demande de marque communautaire soient prises en compte en vertu du droit national.

Propriété littéraire et artistique

Nullité de l’assignation : il y a de l’eau dans le gaz !

 Cour de cassation, 1ère chambre civile, 5 avril 2012, n°11-10.463, GAS BIJOUX c/ GALERIES LAFAYETTE et ALLAN’S  logo_GAS La société GAS est une maison de création de bijoux tendance. La maison de création, exposant être titulaire de doits d’auteurs sur vingt modèles de bijoux assigne les sociétés ALLAN’s et GALERIES LAFAYETTE en contrefaçon et concurrence déloyale. La société GAS reproche à la société ALLAN’S de reproduire servilement les caractéristiques de ses propre modèles. Elle reproche à la société GALERIE LAFAYETTE de les commercialiser. La Cour d’appel annule l’assignation délivrée aux sociétés ALLAN’S et GALERIE LAFAYETTE. La société GAS forme un pourvoi contre cet arrêt. Elle énonce que la description détaillée des caractéristiques démontrant l’originalité de chacun des modèles n’est pas une condition exigée au stade de l’assignation. La première chambre civile rejette le pourvoi aux motifs que « l’assignation, qui renvoie simplement aux photographies annexées, ne définit pas les caractéristiques qui fondent, selon la demanderesse, l’originalité de chacun de modèles dont elle revendique la protection par le droit d’auteur ». En effet, la seule lecture des pièces jointes ne permet pas de déterminer la nature des modèles, ni le nombre d’articles incriminées. Désormais, la description et l’identification des modèles dont une société revendique la protection par le droit d’auteur, doivent figurer dans l’exposé des moyens de l’assignation.

Titularité du droit moral : « ça sent bon pour les agences de création » !

Cour de cassation, Première chambre civile, 22 mars 2012, Pourvoi n°11-10.132, La société SDFA c/ Mme X   Une société de parfumerie a employé une personne, en qualité d’abord de salariée, puis de prestataire de services. La société a reproché à son ancienne employée de s’être appropriée ses créations (flacons de parfum), dont la société était titulaire. En conséquence, la société l’a assigné en contrefaçon de droits d’auteur. La Cour d’appel déclare la société de parfumerie irrecevable et énonce que : « la société n’a pas la qualité de créateur et ne peut donc prétendre être titulaire du droit moral attaché à la personne de l’auteur ». Pour les juges du fond,  l’employeur « était irrecevable à agir » sur le fondement du droit moral attaché à la personne de l’auteur. En statuant ainsi, alors que « la personne physique ou morale à l’initiative d’une oeuvre collective est investie des droits de l’auteur sur cette oeuvre et, notamment, des prérogatives du droit moral », la cour d’appel a violé l’article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle. Cette décision devrait avoir une grande portée au regard du régime de l’œuvre collective qui suscite de nombreuses controverses doctrinales et connaît un grand nombre de difficultés au niveau de la coordination avec les différents droits moraux du créateur. Heureuse nouvelle pour les entreprises dont l’activité nécessite la collaboration de créatifs !

Noms de Domaine – Internet – NTIC

A l’abordage ! Opération « In our Sites » ou quand les autorités américaines s’en prennent aux pirates

operationInOusSites Depuis bientôt deux ans, les Etats-Unis ont adopté une nouvelle tactique contre les sites réputés illicites, notamment ceux proposant des produits contrefaits, afin de combattre le piratage et la contrefaçon en ligne. En juin 2010, les douanes américaines (Immigration and Customs Enforcement) et le Département de la Justice ont lancé l’opération « In Ou Sites » consistant à procéder à la saisie de noms de domaine. Ainsi les enquêteurs de la police peuvent effectuer eux-mêmes des achats de produits mis en vente sur les sites suspectés de contrefaçon afin de les contrôler. Par la suite, les autorités se servent de leur influence sur les sociétés en charge de la gestion de certains noms de domaine génériques tel que VeriSign pour neutraliser les adresses des sites suspectés de contrefaçon. Ce procédé a permis, depuis le démarrage de l’opération, de capturer 758 noms de domaine gérés depuis le sol américain. La dernière saisie en date compte 7 nouveaux noms de domaine et plus de 896 000 dollars provenant de la vente en ligne de vêtements de sport contrefaits fabriqués en Chine. Cependant, ce système connaît des faiblesses. En effet, les fraudeurs, basés en Chine, avaient déjà fait l’objet d’une saisie de noms de domaine en 2010, ce qui ne les avait pas empêchés de déposer un nouveau nom de domaine pour que leur activité frauduleuse perdure. Par ailleurs il convient de souligner que la portée de cette opération est limitée aux noms de domaine génériques gérés par des sociétés basées aux Etats-Unis, les douanes et le Département de la Justice ne pouvant donc saisir des noms de domaine de premier niveau géré par des organisations étrangères.

Quand le C prend la cédille….

caracteres En février dernier, l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (AFNIC), a autorisé l’intégration de caractères spéciaux pour les noms de domaines des sites. En effet, depuis la création du système de nommage en 1985, les utilisateurs devaient composer des noms de domaines au format « latin sans signe diacritique » basés exclusivement sur des lettres (A à Z), des chiffres (0 à 9) et le trait d’union, à l’exclusion de tout autre caractère. Or, depuis le 3 mai 2012, il est possible d’enregistrer des noms de domaine comportant trente nouveaux caractères, accents ou cédilles (ß, à, á, â, ã, ä, å, æ, ç, è, é, ê, ë, ì, í, î, ï, ñ, ò, ó, ô, õ, ö, ù, ú, û, ü, ý, ÿ, et oe). Dans un premier temps, pendant une période dite « d’enregistrement prioritaire » seuls les actuels propriétaires d’un nom de domaine pourront profiter de cette dérèglementation. Puis, à compter du 3 juillet prochain, chacun pourra enregistrer un nom de domaine avec les accents et autres signes désormais mis à disposition. L’objectif de cette ouverture est de donner plus de sens aux noms de domaine afin qu’ils reflètent la prononciation de leur identité ou de leur marque (en intégrant par exemple des accents) et de disposer d’une harmonisation internationale des marques étrangères. Cependant, au regard de l’expérience étrangère, l’AFNIC ne s’attend pas à un très grand nombre de dépôts de noms de domaine exploitant les accents et autres caractères spéciaux. Il est vrai qu’un webmaster vise généralement un nom de domaine simple à retenir et à taper. Par ailleurs, le handicap de cette manœuvre est qu’il faudra désormais chercher les caractères spéciaux pour la saisie d’une adresse internet.

L’ICANN victime de son succès.

bug Selon le dernier chiffre annoncé par l’ICANN, 1268 dossiers auraient été enregistrés dans le système des nouvelles extensions au 29 mars 2012. Cependant, le jeudi 12 avril, alors que se rapproche l’heure au-delà de laquelle aucun dossier de nouvelle extension ne sera plus accepté, le système en ligne de dépôts des candidatures (TAS pour TLD Application System) est suspendu par l’ICANN qui annonce dans un communiqué une possible faille dudit système ayant « permis à un nombre limité d’utilisateurs de voir quelques noms de dossiers et celui de leurs déposants ». L’ICANN avait donc annoncé la réouverture du système le mardi 17 avril à 23h59 UTC, la date limite de dépôt des dossiers ayant été repoussée au vendredi 20 avril 2012. Or le mardi 17 avril, l’ICANN annonçait que ce délai ne pourrait être respecté car, après avoir détecté et corrigé la faille de sécurité constatée, l’organisme souhaite s’assurer que la solution mise en place permettra d’assurer la confidentialité des données. En effet, dans un communiqué l’ICANN a révélé que 105 postulants, soit un peu plus de 8% des 1268 candidats recensés, pourraient avoir été affectés par la panne. On devra donc s’attendre à un report de la date de révélation des candidatures (« Reveal Day ») initialement annoncée pour le 30 avril ou le 1er mai. Or, pour le moment, et malgré de vives critiques, l’ICANN, qui préfère assurer la sécurité des candidats, n’a pas encore annoncé la réouverture de son système. La communauté internet devra donc s’armer de patience !