Actualités de la propriété intellectuelle : juillet / août 2013

clairmont   Actualités de la propriété intellectuelle : juillet / août 2013    
  • Marque
  drapeauFR Nom patronymique d’un artiste : Absence de protection au titre du droit moral et du droit des marques   COCA-COLA LIGHT SANGO  

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 Cour de Cassation, Civile 1ère, 10 avril 2013, n° de pourvoi : 12-14525    Un artiste dénommé « Sango » reprochait à la société Coca Cola d’avoir lancé une boisson sous le nom « Coca Cola Light Sango » et demandait l’annulation de la marque correspondante sur le fondement (i) de son droit moral au respect de son nom (article L. 121-1 du Code de la Propriété Intellectuelle) et (ii) sur le fondement du droit des marques.   La Cour de Cassation ne fait droit à aucune de ces deux demandes.   Sur le premier moyen, elle considère que « le droit moral de l’auteur est attaché à l’œuvre de l’esprit qui porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur »  et donc pas à la personne en elle-même. Cette solution semble parfaitement acceptable, le droit moral protégeant une œuvre et non pas l’artiste qui la réalise.   Sur le second moyen, la Cour décide que l’utilisation par la société Coca Cola du terme « sango » ne constitue pas une atteinte au droit de la personnalité de l’artiste faute de démontrer le risque de confusion entre la marque déposée et son nom.   La jurisprudence considère que ce risque existe quand la marque contestée reprend un nom célèbre. Ainsi, le risque de confusion a été reconnu dans un cas ou une société voulait déposer le nom Eiffel à titre de marque (CA Paris, 14 juin 2006).   Mais, tel n’a pas été le cas dans cette affaire La Cour relève l’absence de toute confusion possible, tant en raison du grand nombre de personnes portant le même patronyme, que du caractère insuffisant de la notoriété attachée à ce nom. L’artiste ne peut donc pas se prévaloir de l’article L. 711-4 g) du Code de la propriété intellectuelle selon lequel une marque portant atteinte à « droit de personnalité d’un tiers et notamment à son patronyme » n’est pas valable.       drapeauFR  « Les Elles de l’Auto », une contrefaçon de la marque de renommée « ELLE »

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 Cour d’Appel de Versailles, 12ème chambre, 23 avril 2013 (RG 2011/05828)

L’association « Les ELLES de l’Auto » a déposé la marque « LES ELLES DE L’AUTO www.elles-auto.com », pour des activités de communication et de formation dans le secteur de l’automobile.La société Hachette Filipacchi Associés (HFA), titulaire de la marque « ELLE » a formé opposition.   L’INPI a partiellement fait droit à cette demande et a rejeté la demande d’enregistrement pour certains produits et services.   Suite à cette décision, l’association dépose une marque similaire, avec cette fois, le terme « auto » en minuscule. HFA l’assigne en nullité de l’enregistrement.   Pour le Tribunal de Grande Instance et la Cour d’Appel, la marque « Les ELLES de l’Auto elle-auto.com » constitue la contrefaçon par imitation de la marque ELLE dès lors que « le terme « ELLE » présente un caractère dominant par sa présentation en tête de locution et par sa mise en exergue du fait de la couleur rouge de ses caractères alors que le mot « Auto », inscrit en ligne inférieur, est descriptif dans le domaine automobile et que la présence de l’article « Les » est insignifiante. Intellectuellement les deux signes renvoient à la femme ou la féminité et non à un pronom personnel ».   HFA soutenait également que cette demande de marque portait atteinte à la marque de renommée « ELLE », ce que reconnaît la Cour aux motifs que le terme « ELLE » n’est pas employé dans la marque contestée comme un « pronom personnel dans son acceptation courante mais désigne les activités de l’association titulaire de la marque » et qu’ainsi « un lien est susceptible de se créer dans l’esprit du public concerné de nature à associer les signes et de laisser à croire à une origine commune entre les produits offerts par l’Association en forme de déclinaison de la marque de renommée ».        
 
  • Internet
  drapeau US  AEREO : une menace pour les télévisions payantes américaines  

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  Affaire American Broadcasting Companies, Inc. v. Aereo, Inc: United States Court of Appeals for the Second Circuit, WNET v. Aereo, Inc., 2013 WL 1285591 (2d Cir. April 1, 2013)   En mars 2012, des chaînes de télévision américaines, parmi lesquelles ABC, Fox, CBS Corps, Walt Disney Co., ont engagé une action en justice contre le site internet AEREO pour violation de leurs droits d’auteur. Le système de fonctionnement d’AEREO repose sur la captation des ondes transmises par les télévisions locales gratuites pour les convertir en signal IP, lui évitant ainsi de payer des droits de retransmission aux chaînes de télévision.   Les utilisateurs ont la possibilité, soit d’enregistrer les émissions proposées, soit de les visionner directement. Dans le premier cas, une copie complète du programme est crée sur l’ordinateur de l’internaute. Dans le second cas, les programmes sont visionnés en streaming à partir des serveurs d’AEREO.   La particularité de ce système est que chaque internaute dispose d’une copie du programme dans un dossier réservé sur les serveurs d’AEREO.   La juridiction de première instance a décidé que ce système ne portait pas atteinte aux droits de propriété intellectuelle des chaînes de télévision. Cette décision a été confirmée le 1er avril 2013par la Cour d’Appel (US Court of Appeals for the Second Circuit, WNET v. Aereo, Inc., 2013 WL 1285591 (2d Cir. April 1, 2013) qui, se conformant à la jurisprudence « Cablevision » (Cartoon Network LP, LLLP v CSC Holdings, Inc., 536 F.3d 121), a décidé que la retransmission par AEREO ne constitue pas une communication au public dès lors que seul un utilisateur a accès à la copie du programme.   Les chaînes de télévision ont toutefois demandé à ce que cette affaire, jugée par un « panel » de trois juges, soit rejugée « en banc », à savoir par une assemblée plénière permettant de revenir sur la jurisprudence « Cablevision ».   La société AEREO a en outre contre-attaqué en introduisant une action contre CBS devant les juridictions de l’Etat de New York afin  d’obtenir un jugement conformant la licéité de ses services et d’éviter la multiplication des actions.   La décision de la Cour d’Appel de New York peut être opposée à la décision de la CJUE dans l’affaire « ITV Broadcasting » du 7 mars 2013, aux termes de laquelle il a été décidé que le droit de communication d’une œuvre au public n’est pas subordonné à l’existence d’un public nouveau dès lors que l’œuvre est transmise par un mode de communication différent de celui des précédentes transmissions.La Cour de l’Etat de New York semble donc plus stricte, considérant qu’il faut un public nouveau qui ne peut résulter de l’addition de chacun des utilisateurs du service proposé par AEREO.       drapeauFR Nouvel arrêt de la Cour de cassation concernant « Google Suggest » en matière de diffamation : Google n’est pas responsable image3 Cour de cassation, Civile 1ère, 19 juin 2013, Pourvoi no U 12-17.591   La Cour de Cassation a rendu une nouvelle décision concernant l’outil « Google Suggest » en date du 19 juin dernier, rendue en matière de diffamation qui semble contredire la précédente jurisprudence en matière de droit d’auteur (cf. Cass., Civ 1ère, 12 juillet 2012, n°11-20.358 : SNEP / Google).   Google a été exonéré de responsabilité pour la suggestion du terme « escroc » lorsqu’était entré dans la barre de recherche le nom de la société « Lyonnaise de Garantie » aux motifs que « la fonctionnalité aboutissant au rapprochement critiqué est le fruit d’un processus purement automatique dans son fonctionnement et aléatoire dans ses résultats, de sorte que l’affichage des « mots clés » qui en résulte est exclusif de toute volonté de l’exploitant du moteur de recherche d’émettre les propos en cause ou de leur conférer une signification autonome au-delà de leur simple juxtaposition et de leur seule fonction d’aide à la recherche ».   Bien que rendu dans la matière spécifique de diffamation civile, cet arrêt pourrait être transposé aux atteintes aux droits de propriété intellectuelle dès lors (i) qu’il est rédigé en termes très généraux et (ii) qu’il a été publié au Bulletin de la Cour.      
  • Dessins et modèles
    drapeauFR  SMOBY TOYS : les pièges d’une action en contrefaçon de dessins et modèles   Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 2eme Chambre, 25 janvier 2013 (RG 2011/02279)   Le fabricant de jouets SMOBY TOYS a agi à l’encontre d’un concurrent en contrefaçon des modèles communautaire et internationaux suivants : image 1image2 Après avoir fait procéder à une saisie-contrefaçon, SMOBY TOYS a assigné son concurrent, la société SPLASH TOYS, devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de Lyon lequel, par une ordonnance du 1er décembre 2009, a prononcé des mesures d’interdiction provisoire après avoir estimé que la vente des jouets litigieux était constitutive d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme.   SMOBY TOYS a par la suite assigné SPLASH TOYS devant le TGI de Paris pour contrefaçon de modèles et actes de concurrence déloyale.   La Cour d’Appel, confirmant partiellement le jugement entrepris a rejeté l’ensemble des demandes de SMOBY TOYS aux motifs :   –          Que la cession de l’un des modèles en cause n’est pas opposable à SPLASH TOYS au moment de la saisie-contrefaçon dès lors qu’elle n’était pas inscrite au Registre des dessins et modèles compétent.   La Cour précise que la publication au BODACC de la cession du fonds de commerce ayant entraîné la cession des modèles ne saurait pallier ce manquement dès lors que les formalités d’inscription du registre des modèles ne sont pas de même nature que celles qui s’appliquent à la publicité relative aux fonds de commerce.   –          Que les actes de contrefaçons ne sont pas caractérisés faute d’une description des caractéristiques des modèles qu’elle estime protégeable « plaçant ainsi la cour dans l’incapacité d’exercer son contrôle sur les éléments considérés comme suscitant pour l’observateur averti une même impression visuelle lorsque les deux modèles sont opposés ». la décision poursuit en précisant que « tant la cour que la partie adverse ne sauraient se contenter des photographies des modèles déposés insérées dans des conclusions sans que soient précisément décrits les éléments qui caractérisent lesdits modèles aux yeux du titulaire des droits de propriété intellectuelle ».   –          Que les actes de concurrence déloyale ne sont pas plus caractérisés dans la mesure où « il n’appartient certainement pas à la Cour ou à la partie adverse de s’interroger sur les éléments que le demandeur à l’action en concurrence déloyale ou parasitaire considère comme susceptibles de constituer une faute, la seule présentation de photographies juxtaposées montrant les modèles opposés dans des conclusions ou la représentation desdits modèles dans des catalogues sans que soient mises en exergue les caractéristiques de l’objet (apparence globale, formes, couleurs, nombre de pièces composant chaque élément, etc.) susceptibles de créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur ne pouvant sérieusement servir de fondement à une telle action ».   La Cour a, en revanche, fait droit à la demande de dommages-intérêts de SPLASH TOYS en réparation du préjudice subi du fait de la cessation de la commercialisation des jouets litigieux à la suite de l’ordonnance de référé de TC de Lyon et lui a accordé 45000 euros, soit l’équivalent d’une année de bénéfice !   En outre, la Cour a condamné SMOBY TOYS à payer la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700.