Actualités de la propriété intellectuelle : Février 2012

Marques

Loi Evin : Parfum sans alcool

Cour d’Appel de Paris, pôle 5, 1re chambre, 26 octobre 2011, Diptyque SAS c/ JAS HENNESSY & Co, Scs. dyptique1dyptique2 Le dépôt d’une marque pour des boissons alcooliques pour une dénomination identique à une marque antérieure, même utilisée pour des produits et services différents, porte un préjudice au titulaire de nature à entraîner la nullité de la demande de marque. La société Jas Hennessy avait déposé une marque française sous le nom de Diptyque le 28 mars 2008, pour désigner une marque de cognac. La société Diptyque titulaire de la marque française et communautaire Diptyque depuis 1981 avait intenté une action en nullité, et demandé l’interdiction d’usage de la marque pour désigner une boisson alcoolique. Perspicace, elle soutenait que le dépôt de marque bien qu’il ne désignât pas les mêmes classes que la marque antérieure, risquait de porter atteinte à la commercialisation de ses produits et notamment à leur promotion publicitaire. La Cour d’Appel fait ici application de l’article L 3323-2 du Code de la Santé Publique qui dispose qu’ « est considérée comme propagande ou publicité indirecte, la propagande ou publicité en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité d’un produit ou d’un article autre qu’une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une dénomination, d’une marque, d’un emblème publicitaire ou d’un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique ». La Cour d’Appel infirmant le jugement de première instance sur ce point, et faisant ainsi droit à la demande de la société Diptyque, a prononcé la nullité de la marque et interdit à Hennessy de commercialiser  des boissons alcooliques sous ce nom, en ce qu’elles créent par elles-mêmes un obstacle à la libre utilisation de la marque antérieure dans la communication publicitaire.

« Les raisins de la colère » : l’équivalence condamnée

Cour de Cassation, Commerciale, 29 novembre 2011, Predel SARL c/ Institut Coopératif du Vin (IVC) et Beg France SARL En l’espèce, la société Predel commercialisait une levure de vinification Maurivin, décrite comme équivalente à la D47 alors que l’ICV détenait la marque semi-figurative ICV D 47 et la marque D47 pour désigner ses levures. ICV a donc assigné Predel en paiement de dommages et intérêts pour atteinte à ses marques et en vue de faire prononcer diverses mesures d’interdiction. Condamnée devant la Cour d’Appel de Bordeaux, Predel se pourvoit en cassation, arguant de l’absence de caractère distinctif de la marque, D47 étant la dénomination usuelle du produit, que l’usage illicite de la marque n’avait pas été démontré, qu’il ne pouvait exister de confusion dans l’esprit du public, les prospectus distribués ne mentionnant qu’une équivalence avec la marque D47. La Cour de Cassation rejette le pourvoi, elle retient que la société Predel ayant remis à ses clients des propositions commerciales, ainsi que des tarifs présentant la levure Maurivin comme équivalente à la levure D47 (nommément désignée), a cherché à tirer profit des investissements exposés pour la diffusion des marques de ICV D 47. Elle constate également l’usage illicite de la marque, et condamne Predel au versement de dommages et intérêts au profit de ICV.

Noms de Domaine – Internet – NTIC

Atterrissage forcé pour Elitebase

Décision du Jury Administratif de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, 22 février 2011, Société Air France c/ Elitebase. Les litiges opposant deux parties sur un nom de domaine peuvent se retrouver devant le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI. C’est le cas du litige qui opposait Air France à Elitebase. Le jury rappelle que la société Air France est titulaire des marques AIR FRANCE en France, à Hong Kong et en Chine, que ces marques jouissent d’une notoriété évidente et d’une représentativité mondiale. Air France avait par ailleurs réservé les noms de domaine www.airfrance.com et www.airfrancereservation.com . Le litige portait sur les noms de domaine billetdavionairfrance.com  et airfrance-reservation.com réservés par la société Elitebase et qui renvoyaient vers le site ebookers.com (comparateur de prix des billets d’avion). Le jury retient que la société Elitebase ne pouvait prétendre ignorer l’existence de la société Air France, ni même de ses marques. Il considère que la société Elitebase a ainsi utilisé la notoriété de la marque dans le but d’attirer des utilisateurs vers son site. Il souligne que les noms de domaine litigieux étaient identiques ou similaires aux marques de la plaignante, que Elitebase n’a aucun droit ou intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux, enfin que ils ont été enregistrés et utilisés de mauvaise foi. Est finalement ordonné le transfert des noms de domaine est ordonné au profit d’Air France.

Google Adwords ; GAME OVER ?

TGI Paris, 14 novembre 2011, Olivier Martinez c/ Prisma Presse et Google Si le jugement du TGI de Paris est a priori un revirement de jurisprudence, sa portée est à nuancer. En effet, le très procédurier Olivier Martinez avait décidé de s’attaquer à Google, et notamment à son service Adwords. Toujours dans la tendance, il avait cependant innové en arguant d’une atteinte à la vie privée (pour rappel les affaires contre Google Adwords étaient généralement relative à la propriété intellectuelle). Le site gala.fr avait utilisé ses nom et prénom pour faire référencer son site via le service Adwords. Le TGI de Paris a donc pris une décision surprenante en excluant le bénéfice du statut d’hébergeur pour Google, mettant un terme à l’immunité du moteur de recherche qui prévalait jusqu’alors. On se souvient que la CJUE (23 mars 2010) avait laissé à l’appréciation du juge du fond, la détermination du rôle joué par Google dans chaque affaire. Le Tribunal s’y réfère directement et détermine 5 critères pour arriver à sa solution. Il retient ainsi que Google a le pouvoir de modifier l’ordre d’apparition des annonces, qu’il existe une présomption de connaissance du contenu hébergé, que Google a ainsi la possibilité de rejeter certains messages publicitaires, qu’il analyse la pertinence des annonces par le biais de programmes informatiques, et enfin  il fournit à ses clients des conseils sur leur manière de rédiger les annonces. Le Tribunal a ainsi tout mis en œuvre pour démontrer le rôle actif de Google, ce qui lui a permis d’engager sa responsabilité, et de le condamner pour atteinte à la vie privée. La solution « Olivier Martinez », est elle viable ? C’est là, la principale interrogation. Si bien évidemment, ce jugement change la donne pour Google, il est important de garder à l’esprit qu’elle concerne une atteinte à la vie privée, et non une contrefaçon. Les prochaines décisions contre Google seront donc à suivre de près.

Le juste prix

Tribunal Correctionnel de Nanterre, 10 novembre 2011, EDF c/ Greenpeace et autres Combien coûte un maintien frauduleux dans un STAD ? EDF l’a appris à ses dépens, dans un jugement très sévère du Tribunal Correctionnel de Nanterre le 10 novembre dernier. La société poursuivie notamment par l’association Greenpeace à été condamnée au paiement d’une amende de 1,5 millions d’euros pour « recel et complicité d’accès et de maintien frauduleux dans un STAD », et, entre autres, à 500 000€ de dommages et intérêts à verser à Greenpeace. Le piratage des données de l’association, notamment ses activités contre le nucléaire, avait pourtant été bien ficelé. Un responsable sécurité d’EDF avait fait appel à une société d’intelligence économique pour instituer une veille stratégique de Greenpeace à partir de source ouverte. La société avait alors engagé un hacker au Maroc qui dépassant le cadre légal de la veille, avait totalement piraté le système informatique de l’association, mais n’aurait jamais dû se faire prendre. Mais coup du sort, lors d’une enquête concernant l’Agence française de lutte contre le dopage, le piratage du système informatique de Greenpeace avait été mis à jour. La peine prévue par le Code Pénal pour un tel piratage est de 2 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende pour une personne physique ou 150 000€ pour une personne morale. On apprécie la sévérité de la juge Prévost-Desprez qui a rappelé lors du prononcé du jugement, que « nul ne doit se sentir autorisé à violer la loi, quels que soient sa fonction, son passé et l’état de ses réseaux d’influence ». On parie qu’EDF retiendra la leçon.

La guerre du web

SOPA – Megaupload- ACTA
Quand les parlementaires polonais s’opposent à ACTA

Quand les parlementaires polonais s’opposent à ACTA

Quand les parlementaires polonais s’opposent à ACTA

La propriété intellectuelle sur Internet est au cœur des batailles de ce début d’année 2012. Le tollé provoqué par la fermeture du site Megaupload a engendré d’importantes ripostes du groupuscule Anonymous, qui oppose au droit d’auteurs, la liberté des internautes, et l’égalité d’accès à la culture.

Au début du mois, pourtant, le président Obama avait déclaré être opposé à la loi SOPA en ses termes, mais pas en son principe. SOPA avait perdu un soutien de taille, et les internautes pensaient pouvoir souffler. Le président déclarait ainsi qu’il était pour les libertés mais contre le piratage, mettant ainsi tout le monde d’accord.« Bien que nous pensons que le piratage en ligne en provenance de sites étrangers est un problème sérieux, qui requiert une réponse législative ferme, nous n’accorderons pas notre soutien à une loi qui réduirait la liberté d’expression, augmenterait les risques de cybersécurité et saperait les bases d’un Internet mondial, innovant et dynamique. . SOPA et sa sœur PIPA se retrouvaient donc en suspens, attaquées de toutes parts, même s’il ne fait aucun doute que les majors mettront tout leur poids dans la balance pour les faire adopter. Mais c’était sans compter sur le FBI, qui comme ironisaient certains acteurs du web n’ont pas attendu SOPA pour fermer le site Megaupload, Alloshowtv.com dont nous parlions le mois dernier a quant à lui préféré le suicide (le site était poursuivi par les ayants droits, mais a lancé sa fermeture après l’éradication de Megaupload). Les deux lois semblaient alors être tombées aux oubliettes. Ce n’est pas l’avis de la quarantaine d’Etats (dont la France) signataire du traité ACTA, qui font de la lutte contre la contrefaçon leur priorité. Ce traité négocié dans le semi-secret par les exécutifs des différents pays, vise la contrefaçon en général (Anti Counterfeiting Trade Agreement), le piratage sur Internet en particulier. Le traité fait polémique, à tel point que le rapporteur auprès de l’Union Européenne a démissionné dénonçant un accord « scandaleux », les parlementaires polonais réagissants aux manifestations dans leur pays se sont masqués à l’image des Anonymous pour protester contre le projet. La bataille des libertés contre le droit d’auteur sera plus que jamais le combat de 2012.

Propriété Littéraire et Artistique

Coup de frein sur la batmobile

US District Court, Central District of California,26 janvier 2012, DC Comics c/ Mark Towle batmobile La batmobile est-elle protégée par le droit d’auteur ? Mark Towle propriétaire du « Gotham Garage » était persuadé que non, et procédait donc à la vente de kit batmobile, offrant à tout américain la chance de pouvoir conduire une voiture semblable à celle du super héros. Mais la DC Comics, propriétaire des droits d’auteur sur la Batmobile ne l’entendait pas de cette oreille, et a déposé une plainte pour violation du droit d’auteur devant le juge californien. Avant d’introduire un réel procès, la plainte a dû être examinée par le magistrat Le juge rappelle notamment, que pour que l’action soit recevable, la plaignante doit démontrer ses droits sur le matériel prétendument contrefait, ainsi que la violation opérée sur ces droits par le contrefacteur. Ce que DC Comics démontre en l’espèce. La loi fédérale américaine garantie au détenteur des droits d’auteur, l’exclusivité sur la reproduction ou la distribution de produits basés sur ces droits. DC Comics démontre dans sa plainte que le défendeur viole les droits d’auteur en manufacturant, distribuant et vendant des automobiles reprenant les designs protégés. Le garagiste se défendait en invoquant l’impossibilité de protéger des objets d’usage, tels que des automobiles. Le juge considère en l’espèce que « des droits d’auteur peuvent être accordés à des éléments non fonctionnels, artistiques d’une automobile pouvant être physiquement et conceptuellement détaché du véhicule ». Le juge Ronald Lew confère donc des droits d’auteurs à la batmobile, et déclare la plainte de DC Comics recevable.