Actualités de la propriété intellectuelle : Septembre 2013
La Premier League anglaise de football obtient le blocage par les fournisseurs d’accès à Internet d’un site proposant des liens hypertextes vers des sites de streaming illégaux au Royaume-Uni. High Court of Justice of London 16 juillet 2013
VS 
La
High Court of Justice de Londres a récemment rendu une décision suite à l’action de la
Premier League à propos du site internet
First Row Sports proposant des liens hypertextes émanant de tiers et renvoyant vers des retransmissions illégales en streaming de rencontres sportives sur des sites tiers.
1/ La décision
Le 16 juillet 2013, la Premier League, qui avait assigné les six principaux fournisseurs d’accès à internet (FAI) britanniques, a obtenu le
blocage de ce site par ces FAI en faisant valoir l’atteinte à ses droits d’auteurs du fait :
–
de l’existence de droits d’auteurs sur les éléments des programmes repris, à savoir (i) sur les ralentis et résumés de la rencontre, (ii) sur la retransmission du match lorsque celle-ci comprend des graphiques et les logos de la ligue et de son sponsor (Barclays), (iii) sur ces logos et (iv) sur ces graphiques.
– de la communication non autorisée au public britannique par un moyen nouveau des matchs ;
–
du rôle actif de First Row Sports dans le contrôle des données ou de mise en forme des contenus ;
–
de la connaissance par les FAI du caractère illicite des contenus diffusés par First Row Sport dès lors que la Premier League leur avait adressé une notification préalablement à son action.
La Cour a également souligné l’ampleur des bénéfices de First Row Sports (absent à la cause), estimés être de l’ordre de 5 millions à 9,5 millions de livres annuelles (
soit près de 6 millions à 11 millions d’euros).
2/ La mise en œuvre de la décision
En application de cette décision, le blocage a été mis en place par les FAI mais, outre une efficacité limitée (
il peut en effet être contourné, notamment par des proxys), il génère, selon un article du Financial Times, des difficultés techniques (
http://www.ft.com/intl/cms/s/0/7b6b92ec-05c3-11e3-ad01-00144feab7de.html).
Ainsi, selon cet, article, le blocage de l’une des adresses IP utilisée par ce site génère le blocage de sites non-contrefaisants utilisant la même adresse IP.
Les fournisseurs d’accès ont donc mis fin au blocage de cette adresse afin d’éviter une atteinte aux droits des titulaires de ces sites.
3/ La comparaison avec la situation en Italie
Le 7 janvier 2013, à la demande de la société Reti Televisive Italiane S.p.A. (RTI) détentrice de droits de retransmission sportive, le Tribunal de Milan a ordonné le blocage de dix-neuf sites internet qui transmettaient en streaming, en temps réel ou différé, des matches de football du Championnat d’Italie, de la Ligue des Champions et d’Europa League (
G.i.p. Trib. Milano (Decreto di sequestro preventivo), 07.01.2013, Giud. Ghinetti, http://www.penalecontemporaneo.it/upload/1362735944SequestroPreventivoSitiFlor.pdf).
Plus précisément, en application de dispositions pénales, RTI a obtenu le blocage des sites et de leur
alias (
sites vers lesquels les usagers étaient automatiquement redirigés) par les FAI.
Là encore, la demande de RTI était fondée sur les droits d’auteur détenus sur les matchs (
réalisation notamment) et la mesure de blocage des sites sur le territoire italien s’est heurtée à la possibilité pour les internautes de consulter ces sites sur le territoire étranger ou par le biais de proxys.
Les liaisons dangereuses entre les notions de « décoration » et de « distinctivité » en droit des marques Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1ère ch., 12 juin 2013

Le titulaire de nombreuses marques figuratives représentant des affiches publicitaires anciennes a assigné en contrefaçon de ses marques un concurrent direct offrant à la vente des articles décoratifs pour la maison sur lesquels sont reproduites des affiches publicitaires anciennes.
La Cour rappelle, tout d’abord que s’il n’est pas interdit en principe qu’une œuvre de dessin ou de peinture puisse faire l’objet d’un dépôt à titre de marque, une telle marque doit néanmoins «
être susceptible de remplir la fonction distinctive de la marque, c’est-à-dire de garantir l’identité d’origine des produits marqués ».
Autrement dit, une fonction décorative n’est pas incompatible avec la fonction distinctive d’une marque à la condition que «
ce signe ne soit pas exclusivement décoratif mais puisse servir à distinguer des produits ou services ».
En l’espèce, la Cour relève que
les affiches publicitaires, objets des dépôts litigieux apposés notamment sur des calendriers et des thermomètres, ne seront pas perçues par le consommateur comme « un signe de reconnaissance lui permettant d’identifier la provenance de ces produits et de les rattacher à une même entreprise ».
En conséquence, la Cour d’appel confirme le jugement de première instance ayant annulé les marques litigieuses pour défaut de distinctivité.
Une marque décorative oui, mais pas trop !
Prouver l’usage sérieux d’une marque désignant exclusivement des services immatériels . . . c’est possible ! Tribunal de Grande Instance de Paris, 3ème ch 7 juin 2013

Le titulaire de la marque semi-figurative AVANTAGE CONSULTING, éponyme de la dénomination sociale de sa société, enregistrée en 2005 pour désigner des services liés au recrutement, a assigné en contrefaçon le titulaire de la marque AVANTAGE SEARCH, lequel a soulevé une demande reconventionnelle en déchéance de la marque antérieure pour défaut d’usage sérieux.
Les juges énoncent qu’une entreprise de recrutement ne commercialise que
des services qui sont immatériels sur lesquels elle ne peut apposer sa marque.
En conséquence, un usage à titre de marque est justifié par la reproduction du signe sur les «
éléments matérialisant l’existence des prestations », à savoir des brochures, factures, contrats ou communiqués de presse.
En l’espèce, l’usage de la marque éponyme de la dénomination sociale est selon les juges du fond démontré par la communication de cartes de visite, de newsletter, de contrats et de factures.
La demande en déchéance est en conséquence rejetée par les juges du fond, lesquels rejettent également au principal la demande en contrefaçon compte tenu des différences tant visuelles, phonétiques que conceptuelles entre les signes en cause.
A noter néanmoins que les juges prennent le soin d’indiquer que la marque en cause figurant sur ces documents, diffère graphiquement de la dénomination sociale. Pas sûr en conséquence que les preuves d’usage produites auraient été suffisantes s’il s’était agi d’une marque verbale.
Un Ricard sinon rien ! Ou l’ANPAA en croisade… Cour de cassation le 3 juillet 2013

L’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) après avoir obtenu le retrait d’une publicité en ligne relative aux bouteilles « Ed Banger » (
TGI Paris, Ordonnance de référé du 18 juillet 2013 HEINEKEN c/ ANPAA) et l’interdiction de message publicitaire au profit de boissons alcoolisées sur le site de la même société (
CA Paris, 13 février 2008) ne baisse pas pour autant la garde.
L’arrêt qui retient notre attention est celui rendu par la Cour de cassation le 3 juillet 2013.
La société Ricard avait lancé une campagne de publicité intitulée
« Un Ricard, des rencontres » au moyen de différents supports dont des visuels et affiches comportant une bouteille de Ricard et le slogan litigieux «
Un Ricard, des rencontres » ainsi que des mentions suggérant des combinaisons d’alcool et d’autres ingrédients.
Cette campagne comportait également une
application mobile gratuite, nécessitant un compte Facebook, qui permettait de visionner le film de la campagne de publicité, et de collecter des codes donnant accès à des cocktails à base de Ricard que l’utilisateur pouvait partager sur son mur Facebook.
L’ANPAA a assigné la société Ricard pour obtenir le retrait des mentions « Un Ricard, des rencontres » sur tous les supports concernés.
La Cour d’Appel a accueilli sa demande et ordonné le retrait des mentions litigieuses.
La Cour de cassation confirme cette solution rendue en considérant que «
le slogan «Un Ricard, des rencontres »
ne saurait se rattacher au simple mélange formé par l’anis et d’autres ingrédients » mais
constitue « une incitation directe à consommer du Ricard dans le but de vivre des moments de convivialité », en violation des dispositions de l’article L.3323-4 du Code de la Santé publique qui limite strictement la publicité pour les alcools.
En outre, elle considère que
l’application mobile proposée est illicite dès lors que son utilisation via Facebook constitue une
publicité intrusive comme l’ont estimé les juges en appel notamment en raison de la diffusion par la société Ricard, sur ce réseau social, de messages «
à caractère intempestif » auprès des amis de l’utilisateur, en incitant au téléchargement de l’application.
A noter que la Cour de cassation ne s’est pas prononcée sur la question générale de savoir si les applications mobiles constituent ou non un service de communication en ligne qui peut constituer un mode de publicité pour alcool licite au sens de l’article L. 3323-2 9° du Code de la santé publique.
http://www.anpaa.asso.fr/espace-presse/306-applications-caractere-intrusif-loi-evin
Tribunal de commerce contre Tribunal de Grande Instance : Compétence exclusive en matière de marque et noms de domaine
Cour d’appel de Douai, 2ème Chambre, Section 1, 4 juillet 2013, n°13/00629

La société FABER FRANCE a assigné en concurrence déloyale la société BLUE LIGHT à laquelle elle reproche d’avoir présenté sur la page écran d’un site dénommé «
www.drapeaux- banderoles.fr » des images de produits tirées de son propre site Internet dans l’intention de détourner sa clientèle alors même que la dénomination «
drapeau banderole » a fait objet d’un dépôt de marque.
La défenderesse a soulevé une exception d’incompétence en soutenant que cette affaire relevait de la compétence exclusive des Tribunaux de de grande instance sur le contentieux des marques et des actions mettant en jeu à la fois une question de marque et une question de concurrence déloyale, sur le fondement de l’article L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Le Tribunal de commerce de Lille initialement saisi a considéré que les faits devaient être qualifiés d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme commercial et
s’est en conséquence déclaré compétent ratione materiae.
La société BLUE LIGHT a formé contredit de cette décision.
La Cour d’appel relève que l’utilisation d’un nom de domaine est susceptible de constituer un acte de contrefaçon lorsqu’il reprend les termes d’une marque antérieure.
Toutefois, «
l’utilisation par une société d’un nom de domaine voisin d’un autre nom de domaine antérieurement utilisé par une autre société ayant une activité commerciale semblable » est susceptible de constituer en elle-même, quelle que soit la validité de la marque antérieure invoquée, un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme.
En l’espèce, l’action engagée par la société FABER FRANCE visant à obtenir la cessation de l’exploitation du site «
www.drapeaux -banderoles. fr » et le transfert du nom de domaine correspondant au profit de la société FABER FRANCE, la Cour d’appel considère que le tribunal saisi peut apprécier si les éléments constitutifs de faits de concurrence déloyale ou de parasitisme sont réunis
sans avoir à statuer préalablement sur l’opposabilité de la marque « drapeau – banderole ».
Le contredit est en conséquence rejeté et la
compétence du Tribunal de commerce confirmée.