Actualités de la propriété intellectuelle : Août -décembre 2012

Marques

YSL et Louboutin : un litige rouge passion

Christian Louboutin S.A. v. YSL AM. Holding Inc., 5 septembre 2012, US COA 2nd Circuit, New York. Près d’un an après l’introduction de l’instance, le juge new yorkais a enfin rendu son verdict. Pour rappel, après avoir été débouté en première instance, Christian Louboutin avait fait appel de la première décision qui le déboutait de sa demande en « concurrence déloyale et violation de marque commerciale » contre YSL. L’objet du litige ? Une paire de chaussures rouge de la pointe au talon et surtout une semelle rouge, signature incontestée de la maison Louboutin. Le juge est donc revenu sur son interprétation première en reconnaissant la validé de la marque déposée par Louboutin en 2008. Une victoire qui profite au célèbre chausseur puisqu’il a fait de la protection de ses semelles pourpres son cheval de bataille et mène la vie dure à tous ses détracteurs. YSL ne s’en sort pas perdant pour autant puisque la commercialisation de son modèle n’a pas été interdite, la chaussure étant monochrome ! Une subtilité qui risque fort d’engendrer d’autres conflits entre les maisons de luxe.

« SWAROVSKI c/ AGATHA DIFFUSION ».Un chien qui se mord la queue ?

Cour de Cassation du 12 juin 2012 La Cour de cassation casse un arrêt qui avait considéré une forme tridimensionnelle comme contrefaisant une marque figurative pour un défaut dans l’analyse globale des deux éléments en cause. La Cour Suprême s’est prononcé sur le risque de confusion entre la marque figurative constituée par la représentation stylisée d’un « scottish-terrier vu de profil gauche, avec un collier au cou » de la société Agatha Diffusion et des « pendentifs représentant un chien stylisé » mis en commerce par deux sociétés du groupe Swarovski. A la suite de la mise en vente des pendentifs en 2008, Agatha avait engagé à l’encontre de Svarosvki une action en contrefaçon de sa marque, détenue depuis 1993 dans les classes 3, 14, 18 et 25, dont les bijoux. Le TGI de Paris en 2008 avait condamné la défenderesse, ce qui était confirmé par la Cour d’Appel en 2010. Cette dernière trouvait en effet qu’en raison du fort degré de similitude entre le pendentif et la marque en cause, le public concerné était porté à retenir les représentations des scottish terriers comme deux produits de la même entreprise. Swaroswki formait un pourvoi en cassation et invoquait devant la Cour que l’utilisation « du signe litigieux à d’autres fins que celle de l’identification d’une marque n’aurait constitué un acte de contrefaçon » et que Agatha aurait agi en contrefaçon non pas pour protéger sa marque mais pour altérer le marché et empêcher à ses concurrents toute vente de bijoux en forme de scottish terrier. La Cour de Cassation rejetait ce moyen au motif que le public associera le pendentif à la marque Agatha et que celle-ci ne s’est pas opposée à la commercialisation d’un bijou en forme de chien, mais à la vente d’un bijou imitant sa marque. Cela nonobstant, la Cour casse et annule les décisions antérieures, considérant comme succincte et incomplète l’analyse effectuée par la Cour d’appel en appréciation du risque de confusion entre les signes en cause. La Cour d’Appel s’était en effet bornée à comparer « les dessins » de la marque et du pendentif, et ce « sans prendre en compte la couleur, le matériau (le cristal propre aux créations Swarosvski), la taille en facette, ainsi que l’aspect d’ensemble tridimensionnel dynamique ». La constatation du risque de confusion entre deux signes peut bien évidemment se fonder sur un seul élément dominant, mais « à la condition que les autres composants soient négligeables ».

Propriété Littéraire et Artistique

L’adage Specilia generalibus derogant n’est plus tendance

Cass. 1ere civ., 30 mai 2012, n°10-17780, SARL CORBIS SYGMA / A. Un photographe et son employeur, une agence de presse, s’opposent sur l’exploitation de photographies que l’agence peut exploiter en application d’un contrat de 1995. Pour ce faire, elle numérise et met en ligne les photographies sur son site internet, en basse définition pour éviter le piratage. Le photographe agit à l’encontre de l’agence, arguant que les numérisations et mises en lignes constituent une contrefaçon de ses œuvres dès lors qu’aucune clause du contrat ne prévoit ce mode de reproduction. La Cour d’appel de Paris (8 avril 2010, N° RG : S 08/06874) accueille les arguments du photographe en se fondant sur les textes spécifiques aux contrats de cession de droits d’auteur, exigeant que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention spécifique dans le contrat de cession et que le domaine d’exploitation soit délimité quant à son étendue et à sa destination. La Cour de cassation casse la décision au visa de l’article 1135 du Code civil, estimant : « Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que l’agence l’y avait invitée, si les numérisations et mises en ligne litigieuses – ces dernières seulement en basse définition et avec la protection d’un système antipiratage interdisant leur appréhension par des tiers – n’étaient pas impliquées, en l’absence de clause contraire, par le mandat reçu de commercialiser ces images et le besoin d’en permettre la visualisation par des acheteurs potentiels, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ». La Cour de cassation applique ainsi les règles générales du droit des contrats pour écarter les règles propres au droit d’auteur, plus strictes. Ainsi, elle déroge au principe selon lequel le droit spécial peut déroger au droit commun. Il convient de relever que l’auteur aurait pu obtenir gain de cause en se fondant sur l’atteinte à son droit moral et à l’intégrité de ses œuvres, dès lors que leur reproduction en basse définition était de mauvaise qualité.

Contrat

Les dangers du prete nom en matiere de reservarion de Noms de domaine

(CJUE, 19 juillet 2012, PIE OPTIEK SPRL c/ Bureau Gevers SA) « Un contrat par lequel une partie s’oblige, contre rémunération, à faire des efforts raisonnables pour déposer une demande et obtenir l’enregistrement d’un nom de domaine .eu pour le titulaire d’une marque, alors qu’elle n’a pas le droit d’utiliser cette marque n’est pas un contrat de licence en droit des marques ». Durant les deux premiers mois de la « sunrise period » (période de 4 mois précédant l’introduction des noms de domaine « .eu »), les enregistrements des noms de domaine étaient réservés aux titulaires de marques nationales et communautaires ainsi qu’à leurs licenciés étant précisé qu’il était d’abord procédé aux enregistrements demandés par les entreprises établies dans l’Union. La société américaine Walsh Optical, titulaire du nom de domaine « lensworld.com », a signé un contrat de licence avec le Bureau Gevers (société belge de conseil en propriété intellectuelle) aux termes duquel Bureau Gevers devait enregistrer le nom de domaine « lensworld.eu » en son nom propre mais pour le compte de la société américaine, ce qu’elle a fait pendant la « sunrise period ». Mais la société belge Pie Optiek également vendeuse de lentilles de contact sur internet et titulaire de la marque Benelux « Lensworld » et du nom de domaine « lensworld.be » a déposé la même demande. L’EURid (European Registry of Internet Domain Names) a rejeté cette demande au vu de la demande antérieure de Bureau Gevers. Pie Optiek a contesté ce rejet en soutenant notamment que Bureau Gevers avait agi de manière abusive. C’est dans ce contexte que la Cour d’appel de Bruxelles a interrogé la CJUE sur la notion de « licencié » ayant le droit de demander l’enregistrement au cours de la première phase de la « sunrise period ». Selon la CJUE, un contrat par lequel une partie s’oblige, contre rémunération, à faire des efforts raisonnables pour déposer une demande et obtenir l’enregistrement d’un nom de domaine « .eu » pour le titulaire d’une marque, alors qu’elle n’a pas le droit d’utiliser cette marque n’est pas un contrat de licence en droit des marques. Ainsi, les termes « licenciés de droits antérieurs » ne visent pas une personne ayant été uniquement autorisée par le titulaire de la marque concernée à enregistrer, en son nom propre mais pour le compte de ce titulaire, un nom de domaine identique ou similaire à ladite marque, sans pour autant que cette personne soit autorisée à utiliser commercialement celle-ci.

Concurrence déloyale

Attention : Le divorce doit être manié avec précaution surtout par l’Avocat !

(Cass 1ère civ, 4 mai 2012, Goudjil c/ Ordre des avocats au barreau des Hauts de Seine, Procureur général près la Cour d’appel de Versailles) Une méconnaissance des règles régissant la publicité individuelle et un manquement aux principes essentiels de loyauté, de dignité, de délicatesse et de modération de la profession d‘avocat peuvent justifier une condamnation pour concurrence déloyale. Une avocate ayant exercé à titre individuel à Paris avant d’être admise au barreau des Hauts de Seine en septembre 2005 a été poursuivie disciplinairement pour avoir créé en janvier 2005 un site Internet accessible aux adresses « avocats-paris.org », « avocat-divorce.com » et « avocat-X.com ». La Cour d’appel avait notamment retenu que la mention dans le nom de domaine de son activité principale à savoir le contentieux du divorce était de nature à créer une concurrence déloyale parce qu’en saisissant dans un moteur de recherche le mot « avocat », le public accédait immédiatement à son site qui apparaissait en début de page de réponses. La Cour de cassation rejette le pourvoi de Mme X après avoir constaté que le nom de domaine « avocat-divorce.com » était exploité sans que n’y soit nommément désigné le cabinet concerné, situation aboutissant à une appropriation d’un domaine d’activité que se partage l’ensemble de la profession et entretenant la confusion dans l’esprit du public, mis directement en relation avec le site personnel de Mme X par l’usage de mots-clés aussi généraux. Cette pratique consistant à ne pas faire apparaître l’identité de l’avocat exploitant le nom de domaine constitue une infraction aux règles sur la publicité individuelle ainsi qu’un acte de concurrence déloyale.

Brevets

Apple vs Samsung : Dallas version 2.0

Décision du jury fédéral, San Jose, Californie, 24 août 2012 La série de procès qui tient en haleine tout le monde de l’informatique ressemble à s’y méprendre à une histoire sans fin. Fin août, Apple était débouté au Japon de sa plainte déposée contre Samsung, mais ce n’est qu’une petite défaite en comparaison avec l’issue favorable du procès qui opposait les deux géants en Californie. Le 24 août dernier, Apple remportait ainsi une manche et pas des moindres, puisque Samsung se trouvait condamné à payer 1 milliard de dollars à Apple pour violation de brevet sur les iPad et iPhone. C’est l’issue de trois semaines d’audience éreintantes, et de trois jours de délibération, dont la firme américaine sort confortée dans son combat. Un coup de pouce quelques jours avant le lancement de son dernier modèle, et malgré l’appel diligenté par Samsung, un réel appui pour les procès futurs, dont les très attendus procès coréens courant septembre.